Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/205

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été habituée en faisant paître ses bestiaux lui avait donné de la force et de la souplesse dans les jambes ; mais jamais elle n’avait couru après Dusterfoot, lorsque ses vaches entraient dans un champ de blé, avec une agilité comparable à celle avec laquelle elle franchit la distance qui séparait la butte de Muschat de la chaumière de son père à Saint-Léonard. Ouvrir le loquet, entrer fermer la porte à double tour et au verrou, pousser contre elle, pour plus de précaution, un meuble dont la pesanteur dans tout autre moment eût été au-dessus de ses forces, tout cela fut l’affaire d’un moment, et se passa avec autant de silence que de promptitude.

Sa première pensée fut ensuite pour son père, et elle s’approcha doucement de la porte de sa chambre, pour chercher à s’assurer qu’il n’avait pas été troublé par son retour ; il était éveillé et probablement avait peu dormi ; mais la présence constante de ses chagrins, la distance qu’il y avait entre sa chambre et la porte extérieure de la maison, ainsi que les précautions que Jeanie avait prises pour lui cacher son départ et son retour, l’avaient empêché de s’en apercevoir. Il était en prières, et Jeanie put lui entendre prononcer distinctement ces mots : « Et quant à l’autre enfant que tu m’as donné pour être la consolation et l’appui de ma vieillesse, puissent ses jours se prolonger sur la terre suivant la promesse que tu as faite à ceux qui honoreront leur père et leur mère ! Puissent tes bénédictions se multiplier sur elle ! Veille sur elle dans l’ombre de la nuit, de même qu’au lever du jour, afin de montrer à toute la terre que tu ne t’es pas détourné de ceux qui t’ont cherché dans la droiture et dans la vérité. » Ici il se tut, continuant sans doute intérieurement sa prière avec toute la ferveur de la dévotion mentale.

Sa fille se retira dans sa chambre, fortifiée par la pensée que, tandis qu’elle s’exposait au danger, les prières du juste avaient appelé sur sa tête les bénédictions divines pour lui servir d’égide, et pénétrée de la confiance que, tant qu’elle se montrerait digne de la protection du ciel, il lui prêterait son appui. Ce fut alors qu’une idée vague se présenta pour la première fois à son esprit, qu’elle pourrait peut-être tenter quelque chose pour le salut de sa sœur, assurée comme elle l’était maintenant de son innocence du meurtre dénaturé dont elle était accusée. Elle raconta dans la suite que cette pensée lui était apparue comme le rayon de soleil qui vient luire sur une mer orageuse, et que, quoiqu’elle