Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/273

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d’après vos lumières. Si je suis innocente de la mort de mon pauvre enfant, vous avez tous été témoins aujourd’hui que j’ai causé celle de mon vieux père : je mérite donc toute la sévérité de Dieu et des hommes ; mais Dieu est plus miséricordieux pour nous que ne le sont les hommes les uns pour les autres. »

Ces paroles terminèrent la séance. La foule se précipita hors de la salle d’audience avec autant de tumulte qu’elle y était entrée, chacun se poussant, se coudoyant et oubliant dans le changement de place et dans le retour de ses pensées habituelles tout ce qui avait pu lui faire impression dans la scène dont il venait d’être témoin. Ceux des spectateurs qui portaient la robe et que la pratique et la théorie de leur profession avaient endurcis au point d’être aussi insensibles à de pareilles scènes que les médecins le sont en contemplant une opération de chirurgie, s’en retournèrent chez eux en compagnie, discutant tranquillement le principe général de la loi d’après laquelle la jeune fille venait d’être condamnée, la nature des preuves et les arguments des avocats, et n’exceptant pas même de leur critique les discours du juge.

Les spectateurs féminins, dont le cœur est toujours plus ouvert à la compassion, se récriaient hautement contre cette partie du discours du juge qui semblait vouloir enlever tout espoir de pardon.

« Il lui convient bien vraiment, dit mistress Howden, de nous dire qu’il faut que la pauvre fille se dispose à mourir, quand M. John Kirck, l’homme le plus honnête qui existe dans les murs de la ville, a pris la peine d’intercéder lui-même en sa faveur ! — Oui, voisine, » dit miss Damahoy en redressant sa taille sèche avec toute la dignité d’une vieille prude ; « mais je suis d’avis qu’il faut mettre un terme à toutes ces affaires scandaleuses où il est question de bâtards. Il n’y a pas moyen maintenant d’avoir chez soi une fille, si elle n’a pas atteint trente ans qu’il n’y ait après elle une nuée de jeunes gens, de commis de magasins, de clercs de procureurs, et tant d’autres qui n’ont en vue que sa ruine, et attirent le mépris sur une maison honnête ; c’est ce que je ne puis tolérer. — Allons, allons, cousine, dit mistress Howden, il faut vivre et laisser vivre les autres ; nous avons été jeunes nous-mêmes, et il ne faut pas toujours penser à mal parce que les jeunes gens aiment à être ensemble. — Jeunes nous-mêmes, dit miss Damahoy, je ne suis pas assez vieille pour parler