Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/287

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les lourds châssis et les étroits vitraux ne donnaient pas autant de jour qu’une croisée moderne bien construite. Cet édifice grossier, et tel absolument qu’un enfant en construirait avec des cartes, avait un toit élevé, couvert de pierres grises plates, au lieu d’ardoises, une tour demi circulaire, dont le haut était garni de créneaux, ou, pour me servir du mot propre, de barbacanes, et qui renfermait un étroit escalier tournant, par lequel on montait d’étage en étage. Au bas de la tour était une porte garnie de larges clous, auprès de laquelle commençait l’escalier, car il n’y avait pas de vestibule ; et de même à chaque étage à peine y avait-il un carré devant la porte de chaque appartement. Un corps de bâtiment presqu’en ruine joignait la maison et le mur de la basse-cour, qui était en aussi mauvais état. La cour avait été jadis pavée, mais les pavés en avaient été en partie déplacés, et en partie renouvelés ; les chardons et les orties croissaient en abondance dans les interstices. Le petit jardin dans lequel on entrait par une poterne percée dans le mur, ne semblait pas être en beaucoup meilleur ordre. Au-dessus de la porte basse et voûtée qui conduisait à la cour, était une pierre où l’on voyait quelques traces des armoiries de la famille, et au-dessus de l’entrée intérieure, une espèce d’écusson renversé[1] qui annonçait que Laurence Dumbie de Dumbiedikes avait été réuni à ses pères dans le cimetière de Kirkbattle. On arrivait à ce château de plaisance par une route formée de fragments de pierres qu’on y avait jetées comme on les avait ramassées dans les champs, et il était entouré d’une grande pièce de terre labourée mais non enclose. Sur un coin de prairie inculte qu’on avait réservé au milieu des champs de blé, était attaché par la tête le fidèle palefroi du laird, qui paissait l’herbe qu’on y laissait croître. Tout était là en désordre et à l’abandon, et cet état de délabrement n’était pourtant pas le résultat de la misère, c’était la conséquence de l’insouciance et de la paresse.

Ce fut de très-bonne heure, par une belle matinée de printemps, que Jeanie Deans, non sans quelque embarras, était entrée dans la cour intérieure dont nous avons parlé. Jeanie n’était pas une héroïne de roman, aussi regardait-elle avec une curiosité mêlée d’intérêt le château et les domaines qui en dépendaient, et peut-être pensait-elle en ce moment que le moindre de ces encourage-

  1. En Angleterre, lorsqu’un noble meurt, on place son écusson en noir sous la façade de sa maison. a. m.