Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/305

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dre mon conseil que le sien. — Ce n’est pas précisément une affaire de justice, " dit Jeanie, qui vit l’inconvénient qui pourrait résulter pour elle de laisser connaître à M. Saddletree le secret de son voyage ; « mais je désire que M. Butler écrive une lettre pour moi. — C’est juste, dit M. Saddletree ; et si vous voulez me dire de quoi il s’agit, je dicterai à M. Butler, comme M. Crossmyloof le fait à son clerc. Préparez votre plume et votre encre, in initiatibus, monsieur Butler. »

Jeanie regarda Butler en se tordant les mains d’impatience et de contrariété.

« Je crois, monsieur Saddletree, » dit Butler qui vit la nécessité de se débarrasser de lui d’une manière quelconque, « que M. Whackbairn sera mortifié si vous n’assistez pas à la leçon de vos enfants. — Vraiment, monsieur Butler, vous avez raison, et j’ai promis de demander une demi-journée de congé pour eux, afin que les enfants puissent aller voir l’exécution, ce qui ne peut avoir qu’un effet salutaire sur leurs esprits ; car qui sait ce qui peut leur arrivera eux-mêmes ? Diable ! j’avais oublié que vous étiez là, Jeanie Deans ! mais il faut bien vous habituer à entendre parler de cette affaire. Retenez Jeanie jusqu’à ce que je revienne ; monsieur Butler, je ne serai pas dix minutes. »

Après cette promesse, dont on se serait bien passé, il les délivra, du moins momentanément, du fardeau de sa présence.

« Reuben, » dit Jeanie qui vit la nécessité de profiter du moment que leur donnait son absence pour expliquer le sujet qui l’amenait, « j’entreprends un bien long voyage ; je vais à Londres demander au roi et à la reine la grâce d’Effie. — Jeanie, vous ne songez pas à ce que vous dites ! » s’écria Butler avec la plus grande surprise ; « vous, aller à Londres ! vous, parler au roi et à la reine ! — Et pourquoi pas, Reuhen ? » répondit-elle avec la tranquille simplicité qui la caractérisait ; « ce n’est parler qu’à un homme et à une femme, après tout. Leur cœur doit être de chair et de sang comme les nôtres, et l’histoire d’Effie est capable de les attendrir, fussent-ils de pierre. Mais j’ai entendu dire qu’ils ne sont pas aussi méchants que les jacobites le disent. — Sans doute, Jeanie ; mais leur magnificence, leur suite, la difficulté d’obtenir une audience ? — J’ai pensé à tout cela, Reuben, et cela ne peut me décourager. Sans doute, ils portent des habits superbes, des diadèmes sur leurs têtes, et des sceptres dans leurs mains, comme le grand roi Assuérus quand il était assis sur son trône royal