Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/307

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sont que de petites figures noires sur du blanc, en comparaison du même air quand on l’entend jouer ou chanter sur cet instrument. Il faut parler soi-même ou y renoncer, Reuben. — Vous avez raison, » dit Reuben en rappelant sa fermeté, « et j’espère que le ciel a suggéré à votre excellent cœur cette résolution courageuse comme le seul moyen de sauver cette fille infortunée. Mais, Jeanie, il ne faut pas que vous entrepreniez seule ce dangereux voyage ; j’ai trop d’intérêt à votre conservation pour souffrir que ma Jeanie s’expose de cette manière. Il faut que dans ces circonstances vous me donniez le droit de vous protéger en m’accordant le titre d’époux, et je vous accompagnerai dans ce voyage ; je vous aiderai à remplir tous vos devoirs envers votre famille. — Hélas ! Reuben, cela ne se peut pas. Le pardon accordé à ma sœur n’effacerait pas la tache faite à son nom, et ne me rendrait pas une femme digne d’un honnête homme, d’un vénérable ministre… Qui pourrait respecter les paroles qu’il dirait en chaire, s’il avait pour femme la sœur d’une fille condamnée pour un tel crime ? — Mais, Jeanie, je ne crois pas, je ne puis croire qu’Effie en soit coupable. — Que le ciel vous bénisse de parler ainsi, Reuben ! mais cela n’empêche pas qu’elle ne doive en porter la honte. — Mais cette honte, lors même qu’elle lui serait justement attribuée, ne retombe pas sur vous. — Ah, Reuben, Reuben ! vous savez que c’est une tache qui s’étend de proche en proche. Ichabod… comme disait mon pauvre père, la gloire de notre maison est éclipsée ; car même la famille du plus pauvre des hommes a sa gloire, lorsque toutes les mains y sont pures, tous les cœurs innocents, et la réputation intacte. — Mais, Jeanie, réfléchissez que vous m’avez donné votre parole et engagé votre foi ; pouvez-vous entreprendre un tel voyage sans un homme pour vous protéger ? et qui peut vous servir de protecteur, si ce n’est un mari ? — Vous êtes sensible et bon, Reuben, et vous consentiriez à me prendre pour femme avec toute la honte dont je suis chargée ; mais vous conviendrez que nous ne sommes pas dans un moment où il puisse être question de mariage. Non, si jamais cela peut avoir lieu, ce doit être dans un autre, dans un meilleur temps… Et puis, mon cher Reuben, vous parlez de me protéger pendant mon voyage ; hélas ! qui vous protégera vous-même et prendra soin de vous ?… Vos membres sont tout tremblants pour être resté seulement dix minutes debout. — comment pourriez-vous entreprendre le voyage de Londres ! — Mais je suis fort, je suis