Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/344

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Ces paroles firent pénétrer à Jeanie une partie de l’histoire de Madge. Elle avait été courtisée par un amant opulent, dont sa mère avait encouragé les espérances malgré sa vieillesse et sa difformité. Quelque libertin l’avait séduite, et pour cacher sa honte et détruire l’obstacle qui venait s’opposer au mariage avantageux qu’elle avait projeté, sa mère n’avait pas hésité à détruire le fruit de cette intrigue. Il était très-naturel de penser que ces événements avaient complètement bouleversé un esprit faible, frivole, et livré à toutes les chimères de la vanité. Telle était en effet, à peu de chose près, l’histoire de la folie de la pauvre Madge.


CHAPITRE XXXI.

ENTRÉE DANS L’ÉGLISE.


Exemptes de dangers, exemptes de craintes, elles traversent la cour, le cœur plein de joie.
Christabel.


En suivant le sentier que Madge avait pris, Jeanie Deans remarqua, à sa grande satisfaction, qu’on y trouvait plus de traces de culture ; et à quelque distance elle aperçut, au milieu d’un bouquet d’arbres, les toits de chaume de quelques maisons et la fumée bleuâtre qui s’échappait de leurs cheminées. Le chemin qu’elles suivaient paraissait y conduire, et Jeanie résolut en conséquence de ne faire aucune question à Madge tant que celle-ci ne s’en détournerait pas ; ayant remarqué qu’elle courait le risque en questionnant sa compagne de l’irriter ou d’éveiller les soupçons, impressions auxquelles les personnes dont l’esprit est dérangé sont fort sujettes.

En conséquence Madge, n’étant pas interrompue, continua de parler de cette manière décousue, et avec ce désordre d’idées auquel son imagination vagabonde était toujours livrée. Lorsqu’on là laissait à son humeur, elle était beaucoup plus communicative sur son histoire ou sur celle des autres, que quand on essayait d’en tirer quelques renseignements par des questions directes.

« C’est une drôle de chose » dit-elle ; il y a des moments où je puis parler du petit enfant et de tout le reste, comme s’il eût été celui d’une autre et non le mien, et d’autres où mon cœur se brise, rien que d’y penser. Avez-vous jamais eu un enfant, Jeanie ? »