Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/351

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C’était une de ces vieilles églises gothiques qu’on trouve fréquemment en Angleterre, et qui de tous les édifices consacrés au culte dans le monde chrétien sont peut-être les mieux entretenus, les plus décents et même les plus vénérables. Cependant, malgré la gravité majestueuse de l’extérieur, Jeanie était trop fidèle aux lois de l’Église presbytérienne pour entrer dans un endroit consacré au culte anglican, et dans toute autre occasion, il lui aurait semblé voir la figure respectable de son père lui défendant de la main d’entrer, et prononçant ces paroles solennelles : « Garde-toi, mon enfant, d’écouter des instructions qui t’apprendront à oublier la vraie doctrine… » Mais, dans l’état d’agitation et d’alarme où elle se trouvait, elle cherchait un asile dans ce lieu prohibé, de même que l’animal poursuivi par le chasseur se réfugie quelquefois dans les habitations des hommes ou dans d’autres endroits également contraires à sa nature et à ses habitudes. Les sons profanes de l’orgue et de deux ou trois flûtes qui l’accompagnaient ne purent même l’empêcher de suivre sa compagne dans l’intérieur de l’église.

Madge n’en eut pas plus tôt touché le seuil que, s’apercevant qu’elle était l’objet de l’attention de tous les spectateurs, elle se livra de nouveau à toutes les extravagances qu’une teinte fugitive de mélancolie avait momentanément interrompues. Elle sembla nager plutôt que marcher, parcourant le centre de l’église tout en traînant après elle Jeanie, qu’elle ne cessait de tenir par la main. Celle-ci aurait bien voulu entrer dans le banc le plus voisin de la porte, et laisser Madge s’en aller à sa manière prendre place dans les premiers rangs ; mais elle sentit que cela lui serait impossible sans opposer une résistance qu’elle ne crut pas pouvoir se permettre dans un tel lieu. Elle se laissa donc conduire tout le long de l’église par sa grotesque compagne qui, les yeux à demi fermés, le sourire sur les lèvres, et avec des gestes affectés qui répondaient à l’allure qu’elle avait prise et aux airs qu’elle se donnait en marchant, paraissait excessivement flattée de l’effet qu’un tel spectacle produisait sur toute la congrégation. Prenant d’ailleurs l’étonnement de l’assemblée pour de l’admiration, elle l’en remerciait en distribuant des révérences à droite et à gauche, et des signes de tête à ceux en qui elle croyait reconnaître d’anciennes connaissances. La bizarrerie de ce spectacle était encore augmentée pour les assistants par le contraste que présentait sa compagne qui, tout échevelée, les yeux baissés vers la terre et les