Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/369

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heurs : mais remarquez bien que si j’agis ainsi, c’est parce que j’espère obtenir votre confiance en retour, c’est-à-dire que vous agirez dans cette triste affaire d’après mes seuls avis ; c’est donc dans cet espoir que je vais parler. — Je ferai ce qui conviendra à une sœur, à une fille et à une chrétienne, dit Jeanie ; mais ne me racontez pas vos secrets ; il n’est peut-être pas bon pour moi de les entendre, ni d’écouter les doctrines qui font tomber dans l’erreur. — Que vous êtes simple, Jeanie ! dit le jeune homme : regardez-moi, je n’ai ni cornes à la tête, ni pieds fourchus, ni griffes aux mains ; et puisque je ne suis pas le diable en personne, quel intérêt puis-je avoir à détruire des espérances qui vous consolent, même quand elles vous abuseraient ? Écoutez-moi patiemment, et vous verrez, quand vous aurez entendu le conseil que j’ai à vous donner, que vous pouvez monter jusqu’au septième ciel avec lui, sans vous en trouver moins légère d’une once. »

Au risque d’être un peu diffus, comme les explications le sont généralement, nous tâcherons de réunir en une narration suivie le récit que commença le malade, d’une manière trop minutieuse à la fois et trop interrompue par la violence de ses passions, pour que nous puissions le rapporter dans ses propres termes. Il en lut une partie, cependant, tirée d’un manuscrit qu’il avait peut-être destiné à faire connaître les événements de sa vie à ses parents, après sa mort.

« Je tâcherai de vous conter mon histoire le plus brièvement possible. Cette misérable vieille, cette Marguerite Murdockson, était la femme d’un ancien domestique de mon père, auquel il était fort attaché ; elle avait été ma nourrice. Son mari mourut. Elle résidait alors dans une chaumière voisine d’ici. Elle avait une fille qui, déjà grande, était jolie alors, mais vaine et légère. Sa mère essaya de la marier avec un riche vieillard du voisinage. Nous nous voyions souvent, et nous vivions aussi familièrement ensemble que nos relations semblaient l’autoriser. Elle fut imprudente ; et moi… moi ! en un mot j’en abusai cruellement. Je fus moins coupable dans cette affaire que je ne le devins plus tard avec votre sœur ; mais mes torts étaient déjà assez grands : sa faiblesse aurait dû lui servir de protection. Peu de temps après, je commençai mes voyages. Je dois rendre cette justice à mon père, que, si je me suis laissé entraîner par le génie du mal, ce n’est pas sa faute : il ne négligea rien pour qu’il en fût autrement. À mon retour, j’appris que la misérable mère et sa malheureuse