Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/372

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aucun frein, et j’éprouvai un plaisir farouche à me déshonorer de plus en plus.

« Le pillage n’était pas mon but : je l’abandonnais à mes camarades, et ne demandais que le poste du danger. Je me rappelle que, pendant que j’étais, le sabre nu, à la porte de la maison où se commettait ce vol, je ne songeai pas un moment à ma propre sûreté : je ne pensais qu’à l’injure supposée que j’avais reçue de ma famille, à ma soif impuissante de vengeance, et à ce qu’éprouverait l’orgueilleuse maison des Willingham en apprenant qu’un de ses descendants, l’héritier futur de ses titres et de ses honneurs, périrait par les mains du bourreau pour avoir volé à un douanier écossais une somme qui n’était que le cinquième de celle que j’avais dans mon portefeuille. Nous fûmes pris : je m’y attendais. Nous fûmes condamnés : je m’y attendais encore. Mais la mort, envisagée de plus près, s’offrit à moi sous un aspect hideux, et le souvenir de la triste situation de votre sœur me décida à faire un effort pour sauver ma vie. J’oubliais de vous dire que j’avais retrouvé à Édimbourg la femme Murdockson et sa fille. Cette femme avait suivi les camps dans sa jeunesse, et à cette époque, sous prétexte d’un petit commerce, elle avait repris des habitudes de rapine qui ne lui étaient que trop familières. Notre première entrevue fut orageuse ; mais, grâce à ma libéralité, car je n’épargnai pas l’argent, elle oublia ou feignit d’oublier l’injure faite à sa fille. La malheureuse fille elle-même sembla à peine reconnaître son séducteur, encore moins conserver la mémoire du tort qu’il lui avait fait. Son esprit est complètement égaré, ce que sa mère attribue quelquefois aux suites d’un accouchement malheureux ; mais tout cela était mon ouvrage, et ici une nouvelle pierre était suspendue à mon cou pour m’entraîner dans un abîme de perdition : chaque regard, chaque mot de cette pauvre créature, sa fausse gaieté, ses souvenirs imparfaits, ses allusions à des circonstances qu’elle avait oubliées, tout cela était autant de coups de poignard ; que dis-je ! il me semblait qu’on me tenaillait avec des pinces brûlantes et qu’on versait du soufre enflammé sur mes blessures. Mais je retourne aux pensées qui m’occupaient dans ma prison.

« Une des plus cruelles était que votre sœur approchait de son terme. Je connaissais la crainte que son père et vous lui inspiriez. Elle m’avait dit souvent qu’elle aimerait mieux mourir mille fois que de vous dévoiler sa honte. Il fallait pourtant s’occuper