Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/381

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le riche ou par le pauvre, suivant leurs moyens, à ceux qui en ont besoin. J’en offrirais d’ailleurs le paiement si je ne craignais que ce fût un affront dans une maison comme la vôtre, car je ne connais pas les coutumes de ce pays-ci. — Tout cela est très-bien, jeune femme, » dit le recteur fort surpris et ne sachant s’il devait imputer le langage de Jeanie à la simplicité ou à l’impertinence. « Tout ceci est très-bien, mais venons-en au point principal. Pourquoi fermez-vous la bouche à ce jeune homme et l’empêchez-vous d’expliquer à son père et à son meilleur ami (puisqu’il offre de le faire) des circonstances qui en elles-mêmes paraissent assez suspectes ? — Il peut dire ce qu’il veut de ses propres affaires, répondit Jeanie ; mais quel droit a-t-il de raconter sans ma permission des histoires où ma famille et mes amis peuvent être mêlés ? et comme ils ne sont pas là pour y donner leur consentement, je vous prie de ne pas adresser de question à M. George Rob…, je veux dire Staunton, n’importe le nom, au sujet de mes parents, et je me permettrai de vous dire que sa conduite ne sera pas celle d’un chrétien ni d’un gentilhomme, s’il vous répond contre mon désir. — Voilà bien la chose la plus extraordinaire que j’aie jamais vue, dit le recteur en fixant sur la figure calme et modeste de Jeanie un regard pénétrant, qu’il reporta aussitôt sur son fils. Qu’avez-vous à dire à cela monsieur ? — Que j’ai fait une promesse téméraire, monsieur, répondit George Staunton ; je n’ai le droit de faire aucune communication sur les affaires de famille de cette jeune personne, sans son consentement. »

M. Staunton reportait ses yeux de l’un sur l’autre avec les marques de la plus vive surprise.

« Ceci, » dit-il en s’adressant à son fils, « est encore quelque chose de pis ; je crains que les plus honteuses liaisons qui vous ont si fréquemment dégradé… Je prétends connaître ce mystère. — J’ai déjà dit, monsieur, » répondit le fils d’un air sombre, » que je n’avais pas le droit de parler de la famille de cette jeune femme sans son consentement. — Et moi je n’ai aucun mystère à expliquer, monsieur ; je dois seulement vous prier, comme un prédicateur de l’Évangile et un gentilhomme, de me faire conduire en sûreté à la première auberge sur la route de Londres. — J’aurai soin de votre sûreté, lui dit le jeune Staunton ; vous n’avez besoin de demander cette faveur à personne. — Osez-vous parler ainsi en ma présence ? » dit le père justement