Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/405

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d’une demi-heure sans qu’un mot eût été dit de part ni d’autre, Jeanie commença à penser qu’il ne s’était pas écoulé, à beaucoup près, autant de temps pendant la route la première fois qu’elle était allée chez le duc d’Argyle. À la fin elle ne put s’empêcher de demander à son taciturne compagnon de quel côté ils allaient.

« Milord-duc vous en informera lui-même, miss, » lui dit Archibald avec la gravité et la politesse qui marquaient toute sa conduite ; et presqu’au même instant le fiacre s’arrêta. Le cocher descendit et ouvrit la portière ; Archibald en sortit et aida Jeanie à descendre. Elle se trouva sur une grande route, hors de l’intérieur de Londres, et elle vit à quelque distance une voiture attelée de quatre chevaux, mais sans aucune armoirie et avec des domestiques sans livrée. — Je vois que vous êtes exacte, Jeanie, » dit le duc d’Argyle lorsque Archibald ouvrit la portière de la voiture, « vous allez me tenir compagnie pendant le reste du chemin. Archibald restera ici avec le fiacre jusqu’à notre retour. »

Avant que Jeanie pût faire de réponse, elle se trouva, à sa grande surprise, assise à côté d’un duc, dans une voiture dont le mouvement rapide, mais doux, était bien différent du lourd cahotement de celle qu’elle venait de quitter, qui, telle qu’elle était, avait inspiré à une personne peu accoutumée à aller en voiture un sentiment d’importance et de dignité.

« Jeune femme, dit le duc, après avoir réfléchi avec autant d’attention que j’en suis capable à l’affaire de votre sœur, je persiste dans la croyance que l’exécution de la sentence rendue contre elle pourrait être une grande injustice. Deux ou trois hommes de loi intelligents et éclairés que j’ai consultés sur ce sujet sont de mon avis. Mais ne m’interrompez pas, et écoutez-moi jusqu’au bout avant de me remercier. Je vous ai déjà dit que ma conviction personnelle était peu de chose si je ne réussissais pas à la faire partager aux autres. Or, j’ai fait pour vous ce que je n’aurais certainement pas fait pour moi dans ce moment : j’ai sollicité une audience d’une dame qui jouit avec justice d’un très grand pouvoir sur l’esprit du roi. L’audience m’a été accordée, et je désire qu’elle vous voie et que vous lui parliez vous-même. Il ne faut pas vous laisser intimider ; racontez-lui votre histoire simplement, et comme vous me l’avez contée à moi-même. — Je suis très obligée à Votre Grâce, dit Jeanie, qui se ressouvint de la recommandation de mistress Glass ; « mais certainement, puisque j’ai eu le courage de parler à Votre Grâce pour la pauvre Effie, j’aurai