Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/406

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moins de sujet d’être honteuse vis-à-vis d’une dame. Cependant je voudrais savoir quel titre lui donner, si c’est Votre Grâce, ou votre Seigneurie ou milady, comme nous disons aux grands personnages en Écosse, et j’aurai soin d’y faire attention, car je sais que les dames tiennent encore plus à s’entendre donner leurs titres que les messieurs. — Vous n’avez pas besoin de rappeler autrement que Madame. Ne dites que ce que vous croirez propre à faire le plus d’impression sur elle. Regardez-moi de temps en temps, et quand vous me verrez porter la main à ma cravate, vous vous arrêterez, car je ne ferai ce mouvement que lorsque vous direz quelque chose qui pourrait ne pas être agréable. — Mais, monsieur, Votre Grâce, si ce n’était pas vous donner trop de peine, ne vaudrait-il pas mieux me dire d’abord les paroles dont je dois me servir ; je pourrais les apprendre par cœur. — Non, Jeanie, cela ne produirait pas le même effet. On croirait que vous lisez un sermon qui, à nous autres bons presbytériens, paraît avoir moins d’onction que lorsqu’il est prononcé d’inspiration. Parlez franchement et hardiment à cette dame, comme vous l’avez fait chez moi l’autre jour, et si vous pouvez lui inspirer de l’intérêt, je gagerais un plack, comme nous le disons dans le Nord, que vous obtiendrez du roi la grâce de votre sœur. »

En finissant ces mots, il tira une brochure de sa poche et se mit à lire ; Jeanie avait ce bon sens et ce tact qui suppléent à l’éducation : elle crut voir dans cette action du duc qu’il désirait qu’elle ne lui fît plus de questions, et en conséquence elle garda le silence.

La voiture roulait rapidement à travers des plaines fertiles ornées de vieux chênes majestueux, et de temps en temps on apercevait, par échappée, le cours majestueux d’une large et tranquille rivière. Après avoir traversé un joli village, la voiture s’arrêta sur le haut d’une éminence qui dominait tous les alentours, et d’où l’on voyait se déployer dans toute leur splendeur les beautés qui caractérisent les plus riches paysages de l’Angleterre. Le duc descendit de voiture dans cet endroit, et dit à Jeanie de le suivre. Ils s’arrêtèrent un moment sur le sommet de la colline pour contempler la perspective admirable qui s’offrait à leurs regards. Un vaste horizon de verdure, entrecoupé et diversifié par des masses de bois touffus, était peuplé d’un nombre infini de troupeaux de toute espèce, qui semblaient errer librement et à l’aventure sur ces abondants pâturages. La Tamise, ici entourée de châteaux et