Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/447

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le permettait, quelques lumières sur le sort de l’enfant infortuné qui avait coûté si cher à sa sœur. Elle connaissait trop le désordre qui régnait dans l’esprit de Madge pour se flatter d’en pouvoir recueillir des renseignements bien utiles ; mais puisque la mère de la pauvre folle avait enfin trouvé le châtiment qu’elle méritait, elle n’avait plus d’autre moyen d’obtenir quelque éclaircissement, et elle était décidée à n’en pas laisser échapper l’occasion.

Dans ce but, elle fit entendre à Archibald qu’elle avait connu Madge autrefois, et qu’elle serait bien aise de savoir, par humanité, si du moins elle était bien soignée dans la triste situation où elle se trouvait. Ce complaisant Écossais alla immédiatement à l’hospice où il avait vu recevoir la pauvre victime, et revint avec la réponse que les médecins avaient positivement défendu qu’on lui laissât voir personne. Lorsque Archibald renouvela le lendemain la demande d’être admis près d’elle, on l’informa qu’elle était devenue fort tranquille, et que l’ecclésiastique qui remplissait l’office de chapelain dans cet établissement avait jugé convenable de lui lire les prières à côté de son lit, mais qu’après son départ elle était retombée dans son état de démence ; que cependant sa compatriote pouvait la voir si bon lui semblait : on ne croyait pas qu’elle pût vivre plus d’une heure ou deux.

Jeanie n’eut pas plus tôt reçu cette nouvelle qu’elle se hâta de se rendre à l’hospice, suivie de ses compagnons de voyage. Ils trouvèrent la mourante dans une grande salle où il y avait dix lits, dont le sien était le seul qui fût occupé.

Madge chantait, quand ils entrèrent, ses fragments bizarres de vieilles chansons et d’airs à demi oubliés, non de cette voix aiguë et perçante qu’elle avait dans les accès de gaieté de la démence, mais d’une voix plaintive et affaiblie par l’épuisement de ses forces physiques. Sa raison était toujours aussi troublée, mais elle n’avait plus la faculté d’exprimer les images confuses qui se succédaient au milieu du désordre de ses pensées, sur ces airs sauvages que son imagination en délire lui suggérait. La mort se peignait dans les accents étouffés de sa voix, dont le chant bas et mélancolique ressemblait à celui d’une mère qui cherche à endormir son enfant. Jeanie en entrant entendit d’abord l’air, puis, en approchant, le refrain d’un couplet tiré sans doute d’une chanson de moissonneurs :

Nous avons fini nos labeurs.
Le front couvert de ses sueurs,