Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/484

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ciel à genoux nuit et jour pour Jeanie, tant à cause de tout ce qu’elle avait fait pour elle que de tout ce qu’elle avait refusé de faire ; car elle sentait bien que de tous ses tourments le plus grand dans ce moment eût été qu’une si vertueuse créature se fût rendue coupable d’une faute pour la sauver. Elle priait son père de donner à Jeanie tout le bien qui lui revenait du côté de sa mère ; elle avait passé un acte par lequel elle lui abandonnait ses droits, et qui se trouvait dans les mains de M. Novit. La fortune était la chose à laquelle elle pensait le moins dans ce moment ; d’ailleurs il était probable qu’elle n’en aurait jamais besoin. Elle espérait que l’augmentation de sa dot pourrait faciliter l’établissement de sa sœur ; et après s’être ainsi exprimée, elle offrait à Butler ses bons souhaits en retour de l’intérêt qu’il lui avait témoigné. Quant à elle, disait-elle, son sort ne pouvait être que triste ; mais comme elle l’avait voulu ainsi, elle ne demandait pas qu’on la plaignît. Cependant pour la satisfaction de ses parents, elle désirait qu’ils sussent qu’elle n’allait pas vivre d’une manière criminelle ; que celui qui avait été l’auteur de tous ses maux était disposé à les réparer, autant qu’il était en son pouvoir, et que, sous certains rapports, sa situation serait plus heureuse qu’elle ne l’avait méritée. Mais elle priait sa famille de se contenter de cette assurance, et de s’épargner la peine de prendre aucun renseignement sur elle à l’avenir.

Cette lettre n’apporta qu’une faible consolation à Davie et à Butler ; car quelle perspective leur présentait l’union de cette jeune infortunée avec un homme perdu d’honneur comme l’était Robertson (car ils devinaient bien que c’était de lui qu’elle voulait parler dans la dernière phrase de sa lettre) ? Que pouvait-on en attendre, sinon qu’elle deviendrait à l’avenir la complice et la victime de ses crimes ? Jeanie, qui connaissait le caractère et le rang véritables de George Staunton, envisagea la situation de sa sœur d’une manière différente, et ne perdit pas tout espoir. Elle augura bien de l’empressement qu’il avait mis à réclamer les droits qu’il avait sur Effie, et elle se flatta qu’il en avait déjà fait sa femme. Dans ce cas, il ne paraissait pas probable qu’avec ses espérances de fortune et d’après le rang de sa famille il s’abandonnât de nouveau au genre de vie aventureux et criminel qu’il avait suivi, d’autant plus que son existence dépendait d’un secret qu’il ne pouvait garder qu’en changeant entièrement de conduite, et surtout en évitant tous ceux qui auraient pu reconnaître dans