Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/505

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infortunée créature ! et à ce terrible… — Chut ! chut ! » dit Effie en lui mettant une main sur la bouche, et de l’autre lui montrant le bois : « il est là ! »

Elle prononça ces mots d’un ton qui prouvait que son mari avait trouvé moyen de lui inspirer autant de crainte que d’amour. En ce moment un homme sortit du bois. C’était le jeune Staunton. La clarté de la lune, toute imparfaite qu’elle était, permit à Jeanie de remarquer qu’il était bien mis, et qu’il avait une tournure distinguée.

« Effie, dit-il, le temps nous presse, l’esquif nous attend dans la baie, et je n’ose rester ici plus long-temps. J’espère que votre sœur me permettra de l’embrasser. » Jeanie recula par un sentiment d’aversion involontaire. « N’importe ! dit-il ; si vous conservez contre moi du ressentiment, du moins ne le témoignez-vous pas par vos actions, et je vous remercie d’avoir respecté mon secret, quand un mot (qu’à votre place je n’aurais pas hésité de dire) aurait suffi pour me coûter la vie. Il y a des gens qui disent qu’un homme doit cacher à la femme la plus aimée un secret qui peut compromettre sa tête. Ma femme et ma sœur savent toutes deux le mien, et je n’en dormirai pas moins tranquillement. — Mais êtes-vous réellement marié avec ma sœur, monsieur ? demanda Jeanie, qui éprouvait à ce sujet de vives inquiétudes ; et le ton hautain et léger dont il parlait était fait pour justifier tous ses soupçons.

« Je suis réellement et légalement marié avec elle, et sous mon vrai nom, » dit Staunton d’un ton plus grave.

« Et votre père, et votre famille ? — Mon père et ma famille ? eh bien, il faut qu’ils prennent leur parti sur une chose faite et sur laquelle il n’y a plus à revenir, reprit Staunton. Cependant, désirant rompre des liaisons dangereuses et donner à mes parents le temps de calmer leur colère, j’ai l’intention de tenir mon mariage secret pendant quelque temps et de passer plusieurs années en pays étranger. Ainsi vous ne recevrez pas de sitôt de nos nouvelles, si vous en recevez jamais. Vous concevez combien il serait dangereux d’entretenir ensemble une correspondance, car tout le monde aurait bientôt deviné que le mari d’Effie est… quel nom me donnerai-je ! le meurtrier de Porteous. »

« Homme insensible et dur ! pensa Jeanie… À quel être Effie a-t-elle confié son bonheur ! Mais celui qui sème le vent doit recueillir la tempête ! »