Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/523

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dangereux à faire à la femme d’un pauvre ministre que de lui dire qu’elle ressemblait à une beauté de la cour.

« Oh, oh ! monsieur Butler, dit le duc, je vois que vous devenez jaloux : vous vous en avisez un peu tard pourtant ; car vous savez qu’il y a long-temps que je suis l’admirateur de votre femme. Mais sérieusement il y a entre elles une de ces ressemblances indéfinissables que nous remarquons quelquefois entre des visages qui n’ont d’ailleurs aucun autre rapport. »

« Le compliment n’a plus rien de dangereux, » pensa Butler.

Sa femme, sentant que son silence pouvait paraître étrange, fit un effort pour parler ; elle dit donc que cette dame était peut-être sa compatriote, et que le rapport d’accent pouvait faire naître entre elles cette ressemblance.

« Vous avez rencontré juste, dit le duc ; elle est Écossaise et a l’accent écossais ; quelquefois même il lui échappe une expression provinciale, qui dans sa bouche a une grâce si particulière que l’accent dorique ne pouvait avoir plus de charme, monsieur Butler. — J’aurais cru, dit le ministre, que cela aurait dû paraître du vulgarisme dans une grande ville. — Pas du tout, reprit le duc ; il ne faut pas supposer non plus que ce soit le patois grossier qu’on parle dans les faubourgs d’Édimbourg ou de Glasgow ; dans le fait, cette dame a passé très-peu de temps en Écosse. Elle a été élevée dans un couvent étranger, et parle le pur écossais dont on se servait à la cour, et qui était fréquemment employé dans ma jeunesse, mais qui, maintenant, est si hors d’usage qu’il nous paraît un dialecte tout à fait distinct de notre patois moderne. »

Malgré son trouble, Jeanie ne put s’empêcher de remarquer intérieurement combien les hommes qui sont le mieux en état de juger du ton et des manières des autres, par leur goût naturel et leur habitude du grand monde, peuvent se laisser abuser par leurs propres préventions. Le duc continua ainsi : « Elle est, je crois, de la malheureuse maison de Winton ; mais ayant été élevée à l’étranger, elle n’a pas eu l’occasion d’apprendre la généalogie de sa famille, à ce qu’il paraît, car c’est de moi qu’elle a appris qu’elle descendait, probablement, des Seyton de Windygoul. J’aurais voulu que vous vissiez avec quelle grâce elle rougissait de son ignorance. À ses manières nobles et élégantes il se mêle une légère teinte de timidité et un reste de cette gaucherie de couvent, si j’ose m’expliquer ainsi, qui la rend tout à fait sé-