Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/537

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soumettant humblement à ses ordres, lui remit la lettre en disant : « Comme il plaira à Votre Seigneurie, milady. »

La dame était d’une taille au-dessus de la moyenne, parfaitement bien faite, quoique avec un léger degré d’embonpoint. Son bras et sa main auraient pu servir de modèle. Ses manières nobles et élégantes avaient autant d’aisance que de dignité, et semblaient indiquer une naissance illustre et l’habitude de vivre dans la haute société. Elle était en habit de voyage, avec un chapeau de castor gris et un voile de dentelle de Flandre. Deux laquais en riche livrée, qui sortirent de la barque et en tirèrent une malle et un porte-manteau, qui paraissaient lui appartenir.

« Comme vous n’avez pas reçu la lettre qui devait me servir d’introduction, madame, dit-elle, car je suppose que vous êtes mistress Butler, je ne vous la présenterai pas que vous n’ayez eu la bonté de m’admettre d’abord dans votre maison sans recommandation. — Certainement, madame, vous ne pouvez douter que mistress Butler ne le fasse. Mistress Butler, madame est lady… lady… ces diables de noms anglais m’échappent de la mémoire aussi vite que la pierre qui roule de la montagne. Mais je crois que madame est Écossaise ; c’est d’autant plus d’honneur pour nous, et je suppose que milady est de la maison de… — Le duc d’Argyle connaît très-bien ma famille, monsieur, » dit la dame d’un ton qui semblait pris pour imposer silence à Duncan, et qui du moins produisit cet effet.

Il y avait dans l’air, le son de voix et les manières de l’étrangère quelque chose qui agissait sur l’imagination de Jeanie, comme les illusions de certains rêves dont l’effet approche souvent de la réalité. Elle trouvait une vague ressemblance entre cette dame et sa sœur ; et elle en fut encore plus frappée lorsque, levant son voile, celle-ci lui montra des traits qui, malgré le changement qui s’était opéré dans leur expression et la différence de teint, réveillèrent en elle mille souvenirs.

L’étrangère devait avoir trente ans ; mais l’art et le goût qu’elle déployait dans sa toilette relevaient si bien l’éclat de ses charmes naturels, qu’elle aurait pu ne s’en donner que vingt et un. Il y avait tant d’aisance et de calme dans ses manières, que, quoique mistress Butler découvrît à chaque instant un nouveau rapport entre elle et sa malheureuse sœur, le sang-froid et la tranquillité soutenue de la dame détruisaient ses soupçons à mesure qu’ils se formaient. Jeanie prit en silence le chemin du presbytère, livrée