Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/574

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Butler le supplia d’épargner la victime, au moins par considération pour le salut de son âme ; mais Knockdunder répondit que l’âme d’un tel scélérat étant depuis long-temps la propriété du diable, il fallait rendre au diable ce qui lui appartenait.

Tous les moyens de persuasion furent employés en vain, et Duncan donna des ordres pour que l’exécution eût lieu le lendemain matin. Cet enfant du crime et du malheur fut séparé de ses compagnons, lié fortement et enfermé dans une chambre séparée dont le capitaine avait la clef.

Dans le silence de la nuit, cependant, mistress Butler se leva, décidée, s’il était possible, à détourner ou du moins à retarder le sort qui menaçait son neveu, surtout si en conversant avec lui elle entrevoyait l’espérance de le ramener à de meilleurs sentiments. Elle avait un passe-partout qui ouvrait toutes les serrures de la maison, et à minuit, lorsque tout fut tranquille, elle se présenta aux yeux étonnés du jeune sauvage qui, lié fortement avec des cordes, était couché, comme un animal destiné à la boucherie, sur un tas de chanvre dans un coin de la chambre. Sur ses traits brûlés par le soleil, couverts de suie et presque cachés par ses cheveux mêlés et d’un noir rougeâtre, elle chercha vainement à trouver quelque ressemblance avec ceux de son père et de sa mère, remarquables par leur beauté. Cependant comment aurait-elle pu refuser sa pitié à un être si jeune et si malheureux, bien plus malheureux que lui-même ne pouvait le supposer, puisque le meurtre qu’il avait, suivant toute apparence, commis de sa propre main, ou du moins auquel il est certain qu’il avait participé, était réellement un parricide ? Elle plaça des aliments sur une table à côté de lui, le releva, et desserra ses cordes de manière à lui permettre de manger. Il étendit ses mains encore teintes de sang, peut-être de celui de son père, et dévora avec avidité et en silence la nourriture qui lui était offerte.

« Quel est votre nom ? » demanda Jeanie, pour entamer la conversation.

« Le Siffleur. — Mais quel est votre nom de baptême ? — Je n’ai jamais été baptisé, du moins je l’ignore ; je n’ai d’autre nom que le Siffleur. — Pauvre enfant abandonné ! s’écria Jeanie… Mais que feriez-vous si vous échappiez à la mort qui vous attend demain matin ? — Je me joindrais à Rob-Roy ou au sergent More

Cameron[1], et je vengerais la mort de Donacha… — Ô malheureux

  1. Deux déprédateurs fameux à cette époque. a. m.