Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/69

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aucun d’eux ne reçut ni mauvais traitements ni insultes. Il semblait que la vengeance de la populace dédaignât de tomber sur toute autre tête que sur celle de l’homme qu’on regardait comme seul auteur du mal.

Dès qu’ils furent maîtres du corps-de-garde, leur premier soin fut de crever les caisses, parce qu’on pouvait s’en servir pour donner l’alarme à la garnison du château. Par la même raison, ils ordonnèrent à leur tambour de cesser de battre : c’était un jeune gaillard, fils du tambour de Portsburgh, qu’ils avaient obligé à les suivre. Alors les plus déterminés se distribuèrent les fusils, les baïonnettes, les sabres, les piques et les haches d’armes.

Jusqu’à ce moment les principaux conjurés avaient gardé le silence sur le but de l’insurrection. Tout le monde le connaissait, mais personne n’en parlait. Cependant, dès que toutes les précautions qu’ils eussent pu imaginer furent prises, ils poussèrent à la fois un cri épouvantable : « Porteous ! Porteous ! à la Tolbooth ! à la Tolbooth ! »

Leur projet était déjà à demi exécuté, ils continuèrent néanmoins à agir avec autant de prudence que quand le succès était encore douteux : une troupe nombreuse se porta en face des Luckenbooths, et, barrant toute la rue, intercepta le passage du côté de l’est, tandis que l’extrémité occidentale de la rue étroite, formée par les Luckenbooths, était gardée de la même manière. La prison se trouvait ainsi entourée de toutes parts, et ceux qui devaient en briser les portes ne couraient aucun risque d’être interrompus.

Cependant les magistrats avaient pris l’alarme, et s’étaient réunis dans une taverne pour aviser à quelque mesure assez énergique pour comprimer l’insurrection. On proposa aux diacres ou syndics des corporations d’aller parler aux insurgés ; mais ils déclarèrent que les artisans seraient sans doute peu disposés à reconnaître leur autorité, surtout quand il s’agissait de sauver un homme si odieux. M. Lindsay, membre du parlement pour la ville d’Édimbourg, offrit de se charger de la tâche périlleuse de porter, au nom du lord-prévôt, un message verbal au colonel Moyle, qui commandait les troupes casernées dans la Canongate, en le requérant de forcer la porte de Netherbow et d’entrer dans la ville pour apaiser le tumulte ; mais il refusa de se charger d’ordre écrit, parce que, si un tel ordre venait à tomber aux mains de cette multitude furieuse, il pourrait lui en coûter la vie. Le résultat de sa mission fut que le colonel Moyle ne rece-