Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/70

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vant pas de réquisition écrite de la part des autorités civiles, et ayant sous les yeux le sort de Porteous comme exemple de la sévère désapprobation manifestée par un tribunal au sujet des actes d’un militaire agissant sous sa propre responsabilité, refusa de s’exposer au risque que lui aurait fait courir la réquisition verbale du prévôt.

On envoya par différents chemins plus d’un messager au château, afin de requérir le commandant de faire marcher ses troupes, de tirer quelques coups de canon, ou même de lancer une bombe au milieu de l’attroupement pour balayer les rues ; mais les insurgés faisaient dans les diverses avenues des patrouilles si nombreuses et si vigilantes, qu’aucun des émissaires des magistrats ne put arriver à sa destination. On les forçait seulement de retourner sur leurs pas, sans leur faire de mal, sans les insulter, mais en les menaçant de manière à leur ôter l’envie de se charger de nouveau d’un pareil message.

Les mêmes précautions furent prises pour empêcher les personnes de considération, celles qui devaient en pareil cas paraître le plus suspectes, de circuler dans les rues, d’observer les mouvements des insurgés, ou de reconnaître les acteurs de ce drame. Les gens bien mis étaient arrêtés par de petits détachements de deux ou trois hommes qui les engageaient ou les forçaient au besoin à retourner au lieu d’où ils venaient. Plus d’un convive ne répondit pas à son invitation dans cette soirée mémorable ; car les chaises à porteurs des dames, même du plus haut rang, ne pouvaient circuler d’un endroit dans un autre, malgré les habits brodés de leurs laquais et l’éclat de leurs flambeaux. Presque toujours les dames, qu’une telle cohue frappait de terreur, se voyaient l’objet de soins et d’égards qu’on ne devait point s’attendre à trouver dans les sentinelles d’une multitude si furieuse. Ceux qui arrêtaient les chaises donnaient ordinairement pour excuse que les rues étant peu tranquilles en ce moment, la sûreté de ces dames exigeait qu’elles retournassent sur leurs pas ; ils s’offraient même pour escorter celles qu’ils avaient ainsi arrêtées, de peur sans doute que les gens inconnus qui se trouvaient parmi eux ne déshonorassent leur plan systématique de vengeance en insultant qui que ce soit et en se livrant à des excès trop ordinaires en pareille circonstance.

Des personnes qui vivent encore se souviennent d’avoir entendu des dames qu’on avait ainsi arrêtées au milieu de leur che-