Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 27, 1838.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mense territoire. Jules-César avait commencé la conquête de la Grande-Bretagne, dont la position insulaire, entourée qu’elle est par un Océan fertile en tempêtes, ne la sut point garantir de l’ambition romaine. Ce fameux conquérant fit sa descente l’an 55 avant J.-C ; et les Bretons méridionaux[1] furent, l’an de grâce 80, soumis complètement au sceptre de Rome, et réduits à la condition de tributaires par les armes victorieuses d’Agricola.

Cet intelligent capitaine vérifia ce qu’on avait jusqu’alors révoqué en doute, que la belle contrée dont il avait ainsi subjugué la partie méridionale, était une île, et que, du côté du nord, son extrémité, couverte de montagnes, de bois et de marais inaccessibles, en même temps que peuplée par des hordes de barbares qui subsistaient principalement de la chasse, était baignée par l’Océan septentrional. Apprendre qu’il existait un peuple libre dans son voisinage, et sur-le-champ se mettre en route afin d’aller le soumettre, c’était la règle de chaque général romain ; et l’usage influa de sa toute-puissance sur Julius Agricola, beau-père de l’historien Tacite, qui commandait à cette époque dans le sud de la Grande-Bretagne. Mais combien de magnifiques et fertiles régions, d’une étendue infiniment plus considérable, avaient été conquises par les vainqueurs du monde avec beaucoup plus de promptitude et beaucoup moins de dommage, que ces âpres provinces du nord ne devaient leur en coûter !

L’année 80 vit Agricola partir de Manchester, nommée alors Mancunium. Elle se passa, ainsi que les premiers mois de 81, à dompter les tribus qui habitaient le sud du pays qu’on appelle actuellement l’Écosse, et à obliger ceux des naturels qui résistaient de franchir les golfes de Forth et Clyde, les envahisseurs croyant les chasser dans une autre île. Ce n’est qu’en 83 qu’ils purent eux-mêmes s’aventurer à traverser le golfe de Forth[2], et à s’engager parmi les marécages, les lacs et les forêts qui avoisinent Lochleven. Après qu’Agricola y eut divisé ses troupes en trois corps, l’un d’eux, composé de la neuvième légion, fut attaqué si soudainement par les indigènes en un lieu appelé Loch Ore, que les Romains éprouvèrent une grande perte et ne furent

sauvés que par le retour du général en chef qui vint à marches

  1. Les Anglais proprement dits, lesquels sont méridionaux par rapport à leurs voisins les Écossais. a. m.
  2. Le texte dit : The firth of the forth, le firth de forth, parce que le mot firth ou frith signifie détroit, bras de mer ou golfe. a. m.