Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 27, 1838.djvu/59

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rent infatigables dans leur exercice de la justice, bien qu’ils ne la pussent exercer dans les districts les plus lointains de l’Écosse qu’à la tête de troupes formidables ; et là même où la tâche était dévolue aux shérifs et vice-shérifs des comtés, il fallait qu’elle fût accompagnée de fréquentes inspections du roi et de ses grands justiciers ; aussi faisaient-ils des tournées exprès. Sous leur règne enfin, les titres de la propriété foncière commencèrent à s’établir, dans presque toute l’étendue des basses terres, sur le système féodal alors universel en Europe, et de la sorte jetèrent l’Écosse dans la commune route de la civilisation.

La langue généralement parlée par les Écossais finit par être la langue anglaise, car on la parlait dans le Lothian, province la plus civilisée du royaume, et elle était la plus facile dans laquelle ils pussent communiquer avec leurs voisins. Ce dut être graduellement qu’elle s’introduisit parmi eux, comme le prouvent les nombreux mots celtiques conservés dans les vieux statuts et dans les vieilles chartes, et ce qui la rendit générale c’est qu’on l’employa seule dans l’écriture.

Nous savons qu’il y eut au moins un poème écrit en langue anglaise, par un auteur écossais, qui excita l’attention des contemporains. C’est un roman tout en vers sur sir Tristran[1], par Thomas d’Erceldone, qui le composa en « un anglais si recherché » que le commun des ménestrels pouvaient à peine le comprendre et le réciter par cœur. S’il nous est permis de juger d’une telle œuvre d’après l’exemplaire comparativement moderne que nous en avons vu, le style, qui est bref, nerveux, figuré, concis surtout jusqu’à devenir obscur, le fait ressembler plutôt aux poésies norses ou anglo-saxonnes, qu’à celles des ménestrels anglais, dont le mode de composition est si lâche, si prolixe et si trivial, que l’Hôte du Thabor, de Chaucer, l’appelle « d’ignobles rimailles. » La construction aussi des stances est, dans le poème d’Erceldone, fort bizarre, fort elliptique, fort compliquée, et paraît

bien digne de ce pompeux éloge d’un poète contemporain — « que, si des ménestrels le dirent tel que l’auteur l’avait composé, ce serait le plus grand exploit[2] des temps passés et futurs. » Au contraire, la ballade élégiaque sur Alexandre III, déjà mentionnée, ne diffère de l’anglais moderne que par l’orthographe.

  1. C’est le Tristan français. a. m.
  2. The gest, le geste, dit le texte, pour indiquer le récit des grands exploits. a. m.