Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/134

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Frega, tant la figure d’Ermengarde, avec sa guirlande de lierre et sa baguette d’ébène, rappelait ces temps du paganisme. Cependant celui qui eût pensé ainsi aurait fait une grande injure à une vénérable matrone chrétienne qui avait donné bien des acres de terre à la sainte Église, en l’honneur de Dieu et de saint Dunstan.

L’accueil qu’Ermengarde fit à Éveline fut aussi conforme à la solennité des usages antiques que sa maison et son extérieur. Elle ne se leva pas lorsque la jeune châtelaine s’approcha d’elle, et, sans répondre au mouvement qu’Éveline fit pour l’embrasser, elle l’arrêta, et fixant sur elle un regard scrutateur, elle examina ses traits avec la plus scrupuleuse attention.

« Berwine, dit-elle à sa favorite, notre nièce a la peau et les yeux de la ligne saxonne, mais elle tient de l’étranger la couleur de ses cheveux et de ses sourcils. Quoi qu’il en soit, tu es la bienvenue dans ma maison, jeune fille, » ajouta-t-elle en s’adressant à Éveline, « surtout si tu peux entendre dire que tu n’es pas une créature absolument parfaite, comme probablement les flatteurs qui t’entourent te le font croire. »

Elle se leva enfin, et donna à sa nièce un baiser sur le front. Elle ne la laissa pourtant pas aller ; mais, de l’examen minutieux de ses traits, elle passa à celui de ses vêtements.

« Saint Dunstan nous garde de la vanité ! dit-elle. Ainsi donc voici la nouvelle mode, et de jeunes filles modestes portent des tuniques de ce genre qui montrent les formes de leur personne aussi clairement que si (sainte Marie nous protège !) elles étaient nues ! Et regarde, Berwine, les colifichets qu’elle a au cou, et ce cou même découvert jusqu’à l’épaule. Voilà les modes que les étrangers ont amenées dans la joyeuse Angleterre ! Et cette poche qui ressemble à celle d’un jongleur, je gagerais qu’elle ne sert à rien d’utile ; ce poignard aussi, qui la fait ressembler à la femme d’un ménestrel, courant à une mascarade en habit d’homme. As-tu jamais été à la guerre, jeune fille, pour porter une arme à ta ceinture ? »

Éveline, aussi mécontente que surprise de voir faire avec ce ton de mépris l’inventaire de ses vêtements, répondit à cette dernière question avec quelque vivacité :

« La mode peut avoir changé, madame ; mais les vêtements que je porte sont ceux des jeunes filles de mon âge et de mon rang. Quant au poignard, il n’y a pas long-temps que je le regardais comme mon unique ressource contre le déshonneur.