Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une question faite de cette manière, et par quelqu’un dont les préjugés étaient aussi enracinés, ne devait pas obtenir d’Éveline l’aveu des circonstances réelles dans lesquelles elle se trouvait placée, puisqu’il n’était que trop évident que sa parente ne pouvait, dans ce cas, lui être utile ni par ses conseils ni en aucune autre manière. Elle répondit donc brièvement que, comme elle savait que sa parente avait de l’éloignement pour les de Lacy et les Normands en général, elle prierait le chef de la patrouille de quitter les environs de Baldringham.

« Non pas, ma nièce, dit la vieille dame ; comme nous ne pouvons échapper au voisinage des Normands, et éviter le son de leur couvre-feu, il est indifférent qu’ils soient un peu plus loin ou un peu plus près, pourvu qu’ils n’entrent pas dans notre maison… Berwine, dites à Hundwolf de noyer ces Normands de boissons et de les gorger de vivres… de vivres de la meilleure espèce, et des boissons les plus fortes. Qu’ils ne taxent pas la vieille Saxonne d’avarice et d’inhospitalité. Mettez une pièce de vin en perce, car je garantirais que leurs estomacs délicats ne peuvent pas supporter l’ale. »

Berwine, qui portait à sa ceinture un gros trousseau de clefs, se retira pour donner les ordres nécessaires, et revint un moment après. Pendant ce temps, Ermengarde questionna sa nièce d’une manière encore plus pressante. « Est-ce que tu ne peux pas ou ne voudrais pas me dire duquel de ces de Lacy tu dois devenir l’esclave ?… Est-ce du présomptueux connétable, qui, renfermé dans une armure impénétrable, et monté sur un rapide et vigoureux coursier, aussi invulnérable que lui, s’enorgueillit de fouler aux pieds et de frapper à son aise les Gallois nus et à pied ? ou est-ce son neveu Damien, jeune homme encore imberbe ? ou tes parents t’ont-ils destinée à relever la fortune d’un autre cousin, libertin ruiné, auquel il ne reste plus les moyens de faire assaut de dépenses avec ces croisés débauchés…

— Ma respectable tante, » répondit Éveline, à qui naturellement ces paroles étaient loin de plaire, « croyez que votre parente ne deviendra jamais l’esclave ni des de Lacy, ni d’aucun homme, fût-il Saxon ou Normand. Il y eut avant la mort de mon père quelque convention entre lui et le connétable, ce qui fait que je ne puis en ce moment refuser ses services ; mais quelle en sera l’issue ? c’est ce que le sort décidera un jour.

— Mais je puis te montrer, ma nièce, de quel côté penche le