Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/149

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dans le cabinet avec plus de vitesse et moins de fermeté qu’elle ne l’avait quitté, elle pria Gillian de l’aider à transporter Éveline dans la chambre voisine ; ceci fait, elle ferma soigneusement la porte de communication, comme pour mettre une barrière entre elles et le danger qu’elles pouvaient avoir à craindre de ce côté-là.

Lady Éveline, alors assez remise pour se mettre sur son séant, essaya de parler. « Rose, » dit elle d’une voix faible, « je l’ai vu : mon sort est fixé ! »

Rose, songeant qu’il serait imprudent de laisser entendre à Gillian ce que sa maîtresse pourrait dire dans un moment d’agitation, se hâta d’accepter l’offre qu’elle avait d’abord refusée, et lui dit d’aller appeler les deux autres suivantes de sa maîtresse.

« Et où les trouverai-je, dit Gillian, dans une maison où l’on voit des étrangers courir à minuit d’une chambre à l’autre, et qui, à ce que j’ai lieu de croire, est fréquentée par des diables ?

— Trouvez-les où vous pourrez, » dit Rose sèchement ; « mais partez sur-le-champ. »

Gillian se retira avec répugnance et en murmurant quelque chose qu’on ne put entendre distinctement. Elle ne fut pas plus tôt partie que, s’abandonnant à son attachement exalté, Rose supplia Éveline, dans les termes les plus tendres, d’ouvrir les yeux qu’elle avait encore refermés, et de parler à celle qui était prête, s’il le fallait, à mourir à côté de sa maîtresse.

« Demain, demain, Rose, murmura Éveline : je ne le puis à présent.

— Soulagez au moins votre esprit par un seul mot. Dites ce qui vous a alarmée et quel est le danger que vous redoutez.

— Je l’ai vue, l’habitante de cette chambre, la vision fatale à ma race… reprit Éveline. Ne me presse pas davantage, demain tu sauras tout. »

Gillian étant entrée avec les deux femmes qu’elle avait été chercher, celles-ci, d’après les ordres de Rose, transportèrent lady Éveline dans leur chambre, qui était assez éloignée de là, la déposèrent sur un lit et se retirèrent ; Rose, ne gardant que Gillian, veilla toute la nuit sa maîtresse.

Pendant quelque temps lady Éveline fut très-agitée ; mais par degrés la fatigue et l’influence d’un narcotique que Gillian eut assez de bon sens pour préparer lui procurèrent du repos. Elle s’endormit profondément, et ne s’éveilla le lendemain que lorsque le soleil se montra bien élevé au-dessus des montagnes.