Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

couché, et sa main étant enflée au point qu’aucun effort ne put en tirer l’anneau, ils le prirent en lui coupant le doigt. Mais long-temps avant le retour de ces cruels assassins, l’ombre de Vanda avait apparu à son époux terrifié, et lui présentant sa main sanglante, lui avait appris d’une manière effrayante que ses ordres inhumains n’avaient été que trop bien exécutés. Poursuivi par cette ombre à la guerre et pendant la paix, dans les déserts, aux camps, à la cour, il en mourut de désespoir dans un pèlerinage qu’il fit à la terre sainte. Le Barh-Gheist ou spectre de Vanda assassinée devint si terrible dans la maison de Baldringham, que le secours de saint Dunstan lui-même suffit à peine pour mettre des bornes à ses visites. Ce fut alors que le bienheureux saint, après avoir réussi dans ses exorcismes, en expiation du crime de Baldrick, imposa à perpétuité une pénitence rigoureuse aux descendantes de la maison, jusqu’au troisième degré, qui les condamnait une fois dans leur vie, et avant d’atteindre leur vingt et unième année, à passer une nuit, seules, dans la chambre de la victime, et d’y réciter certaines prières, tant pour son repos que pour celui de l’âme souffrante de son meurtrier. Pendant cette nuit effrayante on croit généralement que l’esprit de cette malheureuse victime apparaît à celle qui accomplit cette pénitence, et lui donne quelque présage de bonne ou de mauvaise fortune. Si le sort lui est favorable, Vanda s’offre à elle sous un aspect riant, et la bénit d’une main blanche ; mais elle lui annonce des malheurs si elle lui présente la main dont son doigt fut séparé, en lui montrant un visage sévère, comme si elle étendait sur le rejeton de sa race son ressentiment de la barbarie de son mari. Quelquefois même elle parle. J’ai appris ces détails, il y a long-temps, d’une vieille Saxonne, la mère de Marjone ; c’était une ancienne femme de ma grand’mère, qui avait quitté la maison de Baldringham avec elle, quand elle s’en échappa pour suivre mon aïeul.

— Votre grand’mère s’est-elle prêtée à cette coutume, dit Rose, qui, n’en déplaise à saint Dunstan, me semble mettre l’humanité en rapport avec un être d’une nature équivoque.

— C’est ce que pensait mon aïeul, et il ne permit jamais à ma grand’mère de retourner dans la maison de Baldringham après son mariage. De là naquit la désunion entre lui et son fils, d’un côté, et les membres de cette famille de l’autre. Ils attribuèrent plusieurs malheurs, et principalement la perte de leurs héritiers