Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/16

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sition ; il fut exprimé avec toute l’emphase résultant des applaudissements de toute l’assemblée, joints au bruit des deux voix que nous venons de mentionner.

Quelques personnes, semblant regarder la séance comme terminée, commençaient à prendre leurs chapeaux et leurs cannes, dans l’intention de se retirer, quand le président, qui s’était rejeté dans son fauteuil avec un air de mortification et de déplaisir, se releva et demanda un moment d’attention. Tous s’arrêtèrent, quoique quelques-uns levassent les épaules, comme s’ils eussent éprouvé l’influence prédominante de ce que l’on appelle l’ennui ; mais la teneur de son discours excita bientôt une attention sérieuse.

« Je m’aperçois, messieurs, dit-il, que vous êtes comme de jeunes oiseaux, impatients de quitter le nid de leur mère. Faites en sorte que vos plumes soient assez fortes pour vous soutenir ; car, pour ma part, je suis las de supporter sur mon aile une troupe d’oiseaux ingrats. Mais les paroles n’aboutissent à rien. Je ne me servirai plus de ministres aussi faibles que vous. Je vous congédierai ; je vous désengendrerai, comme le dit M. Antoine Absolu ; je vous abandonnerai, vous et toute votre misérable machine, vos cavernes et vos châteaux, vos modernes antiques et vos antiques modernes, votre confusion des temps, des mœurs et des circonstances, vos propriétés, comme disent les comédiens en parlant des décorations et des costumes ; enfin j’abandonnerai tous vos expédients usés aux imbéciles qui y attachent encore quelque importance. Pour élever ma renommée, je ferai usage de ma propre main, sans avoir recours à des assistants boiteux de votre espèce,

Que j’employai pour mon amusement,
Et non par besoin du moment.

Je placerai mes fondations sur un terrain plus solide que sur le sable mouvant ; je construirai avec des matériaux plus durables que des cartes peintes ; en un mot, j’écrirai l’histoire. »

Là il y eut des exclamations de surprise, au milieu desquelles notre correspondant entendit prononcer les expressions suivantes : « Au diable ! au diable ! vous, mon cher monsieur, vous, écrire l’histoire ! Notre vieux président oublie que depuis sir John Mandeville il n’a pas existé de plus grand menteur que lui.

— Il n’en serait pas plus mauvais historien pour cela, dit Oldbuck, car vous savez que l’histoire est moitié fiction.