Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/237

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comme si l’on était prêt à exécuter quelque grande et périlleuse entreprise.

Enfin, quand les arrangements furent terminés, la petite bande s’avança vers l’ermite aquatique, qui, s’apercevant de leur approche, se releva de toute sa hauteur, étendit son cou long et maigre, déploya ses larges ailes en éventail, poussa son cri perçant ordinaire, et jetant ses jambes longues et minces bien loin derrière lui, s’envola porté sur le doux zéphyr. Ce fut alors qu’avec un grand cri d’encouragement, le marchand lança le noble faucon qu’il portait, l’ayant d’abord découvert pour lui montrer sa curée.

Aussi empressé qu’une frégate à poursuivre quelque riche gallion, le faucon s’élança vers l’ennemi qu’on lui avait appris à attaquer, tandis que, tout en se préparant à la défense, au cas où il ne pourrait échapper par la fuite, le héron employait toute sa vitesse à se soustraire à un ennemi aussi formidable. Usant de sa force d’aile extraordinaire, il montait de plus en plus haut, par un vol circulaire, afin que le faucon ne pût gagner aucun avantage pour fondre sur lui ; tandis qu’avec son bec pointu, à l’extrémité d’un cou si long, il pouvait frapper de tous côtés un objet à la distance d’une verge. Pour un assiégeant moins intrépide cette défense aurait offert toutes les terreurs qu’inspire une javeline mauresque.

On lança un autre gerfaut, que le fauconnier engagea par ses cris à joindre son compagnon. Tous deux continuèrent à monter ou à escalader l’air, pour ainsi dire, en décrivant de petits cercles, pour gagner cette supériorité de hauteur que le héron de son côté cherchait à conserver ; et, au plaisir infini des spectateurs, la lutte continua jusqu’à ce que tous trois fussent presque cachés par les nuages, d’où l’on entendait parfois le cri perçant et plaintif du héron qui semblait appeler le ciel à témoin du jeu cruel de ceux qui le persécutaient.

Enfin un des faucons atteignit une hauteur d’où il se hasarda à fendre sur le héron ; mais celui-ci soutint si bien cette attaque, qu’il reçut sur son bec le coup que le faucon, qui descendait à plein vol, avait dirigé contre son aile droite ; de sorte qu’un de ses ennemis, percé au travers du corps par son propre poids, tomba en se débattant dans le lac, très-près de la rive opposée à celle où était la petite troupe, et y périt.

« Voilà un brave faucon qui va servir de pâture aux poissons, dit Raoul. Marchand, la pâte de ton gâteau n’est pas cuite. »