Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une pratique, et il eût vendu un cheval au diable lui-même, sans s’embarrasser de ses cornes, et l’eût probablement trompé par-dessus le marché. L’étranger paya le prix convenu, et tout ce qui contrariait Dick dans cette affaire, fut que l’or qu’il avait reçu était en licornes, pièces à bonnet et autres anciennes monnaies, qui auraient été inappréciables pour entrer dans une collection, mais qui étaient alors gênantes dans la circulation. Cependant, comme c’était de l’or, il s’arrangea de manière à gagner, par le moyen de cette monnaie, beaucoup plus qu’il n’avait peut-être donné. Conformément aux ordres d’une si bonne pratique, il amena plus d’une fois des chevaux au même lieu : d’après la stipulation de l’acquéreur, il ne devait jamais venir que seul, et de nuit. Je ne sais si ce fut par un pur sentiment de curiosité, joint peut-être à l’appât du gain, mais après avoir vendu quelques chevaux de cette manière, Dick prétendit que les marchés qui se contractaient sans boire n’étaient pas heureux, et donna à entendre que, puisque l’acheteur vivait dans le voisinage, il devait au moins se conformer à l’urbanité requise en pareil cas, et le régaler d’une demi-pinte.

« Vous pouvez voir ma demeure si vous voulez, dit l’étranger ; mais si vous perdez courage en voyant ce qui s’y trouve, vous vous en repentirez toute votre vie. »

Cependant cet avis excita chez Dick un sourire de dédain, et étant descendu pour mettre son cheval en sûreté, il suivit l’étranger dans un sentier étroit qui les conduisit au haut de la colline vers une éminence placée au centre de la montagne, entre les cimes les plus méridionales, et appelée le lièvre de Luchen, tant sa forme ressemblait à celle de cet animal. Arrivé au pied de cet éminence, qui est aussi célèbre pour les assemblées de magiciennes que le moulin à vent de Kippilaw, situé dans le voisinage, Dick fut un peu surpris et alarmé de voir que son conducteur était entré dans le flanc de la colline, par un passage ou caverne que lui-même n’avait jamais vu, et dont il n’avait jamais entendu parler, quoiqu’il connût parfaitement ces lieux.

« Vous pourrez encore retourner sur vos pas, » dit le guide, jetant sur lui un regard sinistre ; mais Dick dédaigna de montrer de la crainte, et ils continuèrent leur route. Les voyageurs se trouvèrent bientôt en une longue suite d’écuries, dans chacune desquelles était un cheval d’un noir éclatant ; près de chaque coursier se tenait un cavalier, aux armes noires, ayant à la main