Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/39

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amené la division parmi nous ; mais au milieu de nos discordes personne n’a perdu la vie ; nous n’avons point encore ressenti les maux que pourrait causer l’effusion du sang entre concitoyens. Nos ennemis, monsieur, ne sont pas ceux qui habitent la maison que nous habitons ; et tant que nous resterons fermes et unis contre les attaques d’un ennemi étranger, quelque artificieux et invétéré qu’il soit, nous aurons, je l’espère, peu de craintes à avoir. »

« Avez-vous trouvé quelque chose de curieux, M. Maxwell, parmi ces papiers poudreux ? » dit sir Henri, qui semblait craindre le renouvellement d’une discussion politique.

« Mes recherches ont fait naître de ma part des réflexions que j’émettais précisément tout à l’heure, dit Maxwell ; et je pense qu’elles sont assez fortement confirmées par une histoire que je me suis occupé de rédiger d’après quelques-uns de vos manuscrits de famille. » — « Vous pouvez faire de ces manuscrits l’usage qui vous plaira, dit sir Henri. Bien des jours se sont écoulés sans qu’on les examinât ; et, pour connaître leur signification, j’ai souvent désiré posséder une personne aussi versée que vous dans ces vieux parchemins. » — « Ceux dont je parlais tout à l’heure sont relatifs à un trait d’histoire particulière, tenant un peu du merveilleux et concernant intimement votre famille ; si vous le trouvez bon, je puis vous lire les anecdotes telles que je les ai disposées, et vous pourrez juger alors de la valeur de l’original. »

Il y avait dans cette proposition quelque chose d’agréable à toutes les parties. Sir Henri avait un certain orgueil de famille qui le portait à s’intéresser à tout ce qui concernait ses ancêtres. Les dames d’alors étaient profondément plongées dans la lecture des ouvrages à la mode. Lady Ratcliff et ses charmantes filles, accompagnées de la célèbre héroïne d’Udolphe, avaient parcouru tous les sentiers, visité toutes les ruines ombragées de pins, entendu tous les soupirs et soulevé toutes les trappes. Cependant on les avait entendues dire que le fameux incident du voile noir ressemblait singulièrement à l’ancien apologue de la montagne en travail, de telle sorte qu’elles étaient tout à la fois critiques et admiratrices. Outre cela, elles avaient courageusement monté en croupe derrière le cavalier ou esprit de Prague, par le moyen de ses sept traducteurs, et elles avaient suivi les traces de Moor à travers la forêt de la Bohême. De plus, on donna même à entendre