Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/114

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j’ai quelque idée d’acheter ce domaine, et je désirerais que les choses fussent en ordre. Voudriez-vous avoir la bonté d’employer cette petite somme aux dépenses nécessaires de la famille ! » Il mit entre les mains de Dominie une bourse contenant de l’or.

« Pro-di-gi-eux ! s’écria Dominie Sampson. Mais si Votre Honneur veut attendre… — Impossible, monsieur, impossible, » dit Mannering en lui échappant.

« Pro-di-gi-eux ! s’écria une seconde fois Sampson en le suivant jusqu’au haut de l’escalier tenant toujours la bourse ; « mais cet argent… »

Mannering descendit l’escalier aussi vite qu’il le put.

« Pro-di-gie-ux ! » s’écria Dominie Sampson pour la troisième fois en arrivant à la porte d’entrée ; « mais cet argent… »

Mannering était déjà à cheval et ne pouvait plus l’entendre. Dominie, qui n’avait jamais eu en sa possession, soit pour lui, soit comme dépositaire, le quart de cette somme, quoiqu’elle ne dépassât pas vingt guinées, demanda conseil, comme il le disait lui-même, sur ce qu’il devait faire de ce bel or ainsi laissé à sa disposition. Heureusement il trouva un conseiller désintéressé dans Mac-Morlan, qui lui indiqua les moyens de l’employer à adoucir le sort de miss Mannering, usage sans doute auquel il avait été destiné par le donateur.

Bon nombre de gentilshommes du voisinage firent alors sincèrement des offres pressantes d’hospitalité et de service à miss Bertram. Elle avait quelque répugnance à entrer d’abord dans une famille qui la recevrait plutôt par compassion que par amitié ; elle se décida donc à attendre l’opinion et les avis de la plus proche parente de son père, mistriss Margaret Bertram de Singleside, vieille dame célibataire, à laquelle elle avait fait part de sa malheureuse situation.

Les obsèques de feu M. Bertram se firent avec une grande décence, et sa malheureuse fille ne pouvait plus se considérer que comme habitant momentanément la maison où elle était née, et où sa douceur et ses attentions avaient si long-temps adouci les chagrins et les infirmités de la vieillesse. Ce que lui avait dit M. Mac-Morlan lui avait fait concevoir l’espérance qu’elle ne serait point obligée de quitter subitement cet asile ; mais la fortune en avait ordonné autrement.

Pendant les deux journées qui précédèrent l’époque fixée pour la vente des terres et du domaine d’Ellangowan, Mac-Morlan atten-