Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/132

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sique terrestre ? étaient-ce des sons apportés par le vent pour m’annoncer sa mort ?…

« Il se passa quelque temps avant que j’eusse le courage de m’avancer sur le balcon : rien ne m’aurait déterminée à le faire, si je n’avais eu l’intime conviction qu’il vivait encore, et que nous nous rejoindrions. Cette conviction m’enhardit, et, le cœur palpitant, j’approchai de ma fenêtre. Je vis un petit esquif dans lequel un seul homme était assis. Mathilde ! c’était lui !… Je le reconnus après une si longue séparation, malgré l’ombre de la nuit, aussi bien que si, nous étant vus la veille, nous nous rencontrions en plein jour ! Il dirigea sa barque sous le balcon, et me parla. Je savais à peine ce qu’il disait, ce que je lui répondais. En vérité, je pouvais à peine parler ; je pleurais, mais c’étaient des larmes de joie. Nous fûmes interrompus par les aboiements d’un chien à quelque distance ; il s’éloigna, non sans m’avoir conjurée de me préparer à l’entretenir le soir à la même place et à la même heure.

« Mais à quoi tout cela nous mènera-t-il ? puis-je répondre à cette question ? Non, je ne le puis. Le ciel qui l’a sauvé de la mort, qui l’a délivré de sa captivité, qui a épargné à mon père le malheur d’avoir répandu le sang d’un homme qui n’aurait pas touché à un cheveu de sa tête ; le ciel doit me guider pour sortir de ce labyrinthe. C’est assez pour moi, aujourd’hui, d’avoir la ferme conviction que Mathilde ne rougira pas de son amie, mon père de sa fille, ni mon amant de l’objet auquel il a voué toute sa tendresse. »



CHAPITRE XVIII.

SUITE DE LA CORRESPONDANCE.


Parler avec un homme par une fenêtre : un joli entretien !
Shakspeare. Beaucoup de bruit pour rien.


Nous devons continuer à donner quelques extraits des lettres de miss Mannering ; ils mettent au jour le bon sens naturel de cette jeune personne, ses principes, sa sensibilité. Ses légers défauts provenaient d’une éducation imparfaite, et de l’imprudence d’une mère qui dans son cœur regardait son mari comme un tyran, le craignait comme tel, et qui, à force de lire des romans, devint tellement avide d’intrigues compliquées, qu’elle voulut en conduire une dans sa maison, et en rendre sa fille, jeune personne de seize