Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/254

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verrai ce qu’il conviendra de faire dans l’intérêt de miss Bertram.

— Mais, monsieur, mais, colonel, il y a encore un point que personne excepté moi ne peut expliquer. Cette dame, cette mistress Margaret Bertram, a légué tous ses biens, par testament, à miss Lucy Bertram, lorsqu’elle demeurait avec mon vieil ami, M. Bertram, à Ellangowan. Je puis l’affirmer, car Dominie (c’était le nom que mon défunt ami donnait toujours au respectable M. Sampson) a servi avec moi de témoin pour cet acte ; et à cette époque elle avait capacité de faire cette disposition, étant dès lors investie du domaine de Singleside, quoique sa sœur aînée eût la jouissance de l’usufruit sa vie durant. C’était un arrangement bizarre du vieux Singleside, qui par là excitait ses deux filles, comme deux chattes, l’une contre l’autre. Ah ! ah ! ah ! — Fort bien, monsieur ! reprit Mannering avec le plus imperturbable sang-froid : mais allons au fait. Vous dites que cette dame avait le droit de disposer de sa fortune en faveur de miss Bertram, et qu’elle l’a fait ? — Sans doute, colonel, répliqua Glossin ; je crois entendre passablement les affaires ; je m’en suis occupé pendant bien des années, et quoique j’y aie renoncé pour jouir de ma petite fortune, je n’ai pas fait divorce avec une science que je préfère à châteaux et à terres, avec la jurisprudence enfin, qui, comme l’a dit un poète,


Est le meilleur moyen pour regagner les terres
Que perdent à l’envi de fous célibataires.


Non, non. je puis encore faire claquer mon fouet ; et ma faible expérience est toujours au service de mes amis. »

En parlant de son savoir-faire avec une telle complaisance, Glossin visait à produire une impression favorable sur l’esprit de Mannering, qui l’eût infailliblement jeté par la fenêtre, ou au moins mis à la porte, s’il n’eût été retenu par la crainte de nuire aux intérêts de miss Bertram. Il fit donc un grand effort sur lui-même en écoutant avec patience, sinon avec bienveillance, l’éloge que Glossin faisait de ses talents. Lorsqu’il eut terminé, il lui demanda s’il savait où était le testament.

« Je sais… c’est-à-dire je pense… je crois pouvoir le retrouver… Il y a des dépositaires qui, en pareil cas, réclameraient des honoraires… — Vous n’avez qu’à parler, répliqua le colonel en tirant son portefeuille de sa poche. — Mais, mon cher monsieur, vous ne me laissez pas achever… Je disais que certaines personnes auraient pu faire une telle réclamation… pour le remboursement du