Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/305

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sieur, si c’est la devise de votre famille ? — Non, non, mon Dieu ! non, ce ne l’est pas. C’est, je crois, la devise des précédents propriétaires. La mienne… ma devise… car j’ai été en correspondance avec M. Cumming de Lyon-office, à Édimbourg, à ce sujet ; il m’a répondu que les Glossin avaient autrefois pour devise : Ce qu’on prend on le fait sien. — S’il y avait quelque doute, monsieur, et que je fusse à votre place, je choisirais l’ancienne devise, qui me paraît la meilleure des deux. »

Glossin, dont la langue était en ce moment attachée à son palais, répondit par une inclination de tête.

« C’est une chose singulière, » continua Bertram les yeux fixés sur la porte d’entrée et sur les armoiries, et partie s’adressant à Glossin, partie se parlant à lui-même ; « c’est une chose singulière que la mémoire. Les fragments d’une vieille prédiction, ou chanson, ou ballade, ou je ne sais quoi, se retracent à mon souvenir à la vue de cette devise. Tenez, c’est une rime quatre fois redoublée :

L’ombre deviendra la lumière,
Le droit remplacera l’erreur,
Quand de Bertram, dans sa carrière,
La force atteindra sa…


Je ne puis me rappeler le dernier vers, c’est le nom de quelque hauteur : oui, hauteur, voilà la rime, j’en suis sûr ; mais impossible de retrouver le mot qui précède celui-là. — Maudite soit ta mémoire ! murmura en lui-même Glossin ; elle n’est que trop bonne. — Il y a encore des vers qui sont liés à ceux-ci dans mes souvenirs d’enfance. N’y a-t-il pas, monsieur, dans ce pays-ci, une ballade populaire sur une fille du roi de l’île de Man, qui s’enfuit avec un chevalier écossais ? — Je suis l’homme du monde le moins propre à être consulté sur les vieilles ballades. — Je chantais celle-là d’un bout à l’autre, quand j’étais enfant. Figurez-vous, monsieur, que j’ai quitté l’Écosse, mon pays natal, encore très jeune ; et que ceux qui m’ont emmené ont fait leur possible pour effacer en moi les souvenirs de ma patrie, parce que sans doute un désir d’enfant me portait à vouloir m’échapper de leurs mains. — Très naturel, » répondit Glossin, mais prononçant comme si, malgré tous ses efforts, il ne pouvait ouvrir la bouche plus de la largeur d’un pouce ; de sorte que ces paroles inarticulées n’étaient qu’un murmure confus, bien éloigné du ton ferme et distinct de sa voix ordinaire. Sa contenance, ses gestes, pendant toute cette conversation, étaient contraints et embarrassés ; sa taille même semblait diminuer ; ce