Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/338

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s’avise-t-il de prononcer comme ex cathedra sur l’espoir manifesté par la digne mistress Marguerite Bertram de Singleside ?… » Tout cela, comme je l’ai dit, Sampson le pensait ; car s’il eût seulement prononcé la moitié de cette phrase, la fatigue extraordinaire d’un si long exercice aurait rendu ses mâchoires malades pour un mois.

Ces réflexions le conduisirent à désirer de revoir les lieux témoins du crime, la pointe de Warroch où il n’était pas allé depuis long-temps, c’est-à-dire depuis cet accident fatal. La promenade était longue, car la pointe de Warroch était à l’extrémité des domaines d’Ellangowan, situés entre ce lieu et le château de Woodbourne. De plus, Dominie s’égara plus d’une fois en faisant des détours nécessités par les ruisseaux que la fonte des neiges avait changés en torrents, et qu’il croyait n’être, comme en été, que de simples filets d’eau.

Enfin il atteignit les bois qui faisaient le but de son excursion, et les visita avec soin, faisant de vains efforts et mettant son esprit à la torture pour se rappeler chaque circonstance de la catastrophe. Ou croira facilement que la vue même des lieux, avec toutes les idées qui s’y associaient, ne put lui faire adopter des conclusions différentes de celles qu’il avait prises au moment même de l’événement. Ce fut donc en poussant plus d’un profond soupir et plus d’un gémissement que le pauvre Dominie termina son pèlerinage infructueux et reprit le chemin de Woodbourne, pendant que son estomac déchiré par le besoin le ramenait souvent à se demander s’il avait ou non déjeuné le matin… Ainsi, tantôt songeant à la perte de l’enfant, tantôt forcément distrait par son appétit qui lui offrait pour sujet de méditation des tranches de bœuf, du pain et du beurre, il prit une route différente de celle qu’il avait suivie le matin, et passa en vue d’une petite tour en ruine, ou plutôt des restes d’une tour appelée par les gens du pays la tour de Derncleugh.

Le lecteur peut se rappeler la description que nous avons faite de ces ruines dans un des précédents chapitres ; car c’est là que le jeune Bertram, sous la protection de Meg Merrilies, fut témoin de la mort du lieutenant d’Hatteraick. La tradition populaire ajoutait des terreurs imaginaires à l’épouvante naturelle qu’inspirait la solitude du lieu, et ces absurdités avaient probablement été inventées ou du moins accréditées par les Égyptiens qui avaient long-temps demeuré dans le voisinage, afin de les exploiter à leur profit. On disait