Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/347

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mençait à geler ; ensuite la maîtresse de la maison où il était ne descendit que fort tard, et son ami voulut à toute force lui montrer une nichée de petits chiens que sa chienne d’arrêt favorite avait mis bas le matin. Leurs couleurs avaient fait naître des doutes sur la paternité, importante question de légitimité qu’Hazlewood fut appelé comme arbitre à décider entre son ami et son veneur ; sa décision fit cesser l’incertitude sur ceux qu’il fallait élever. Enfin le laird lui-même retarda de beaucoup le départ de notre jeune amant, en s’efforçant avec son éloquence prolixe et ennuyeuse d’insinuer à sir Robert Hazlewood, par l’intermédiaire de son fils, ses propres idées sur la direction qu’on devait donner à une route projetée : il nous faut avouer à la grande honte de notre amoureux qu’après avoir dix fois entendu les mêmes raisons, il lui fut impossible de comprendre quel avantage on aurait à faire passer ce chemin par Lang-Hirst, Windyknowe, Joodhouse-park et Hailziecroft, à lui faire traverser la rivière à l’étang de Simon, puis la route de Kippletringan ; la ligne la moins convenable, à ce que disait l’orateur, avait été justement choisie par l’ingénieur anglais, puisqu’elle couperait dans toute leur étendue les domaines d’Hazlewood, passerait à moins d’un mille du château même, si bien que les propriétaires ne pourraient plus se dire chez eux.

Enfin l’éloquent raisonneur, qui avait grand intérêt à ce que le pont fût construit aussi près que possible d’une de ses fermes, en eût été pour ses frais d’éloquence s’il n’eût dit par hasard que la direction projetée était approuvée par « ce drôle de Glossin, « qui prétendait tout faire à sa guise dans le comté : son auditeur devint alors très attentif, s’informa avec chaleur du plan qu’approuvait Glossin, et donna l’assurance que ce ne serait pas sa faute si son père ne jugeait pas l’autre meilleur. Tous ces contre-temps employèrent la matinée : Hazlewood ne monta à cheval qu’au moins trois heures plus tard qu’il n’avait compté, maudissant les belles dames, les chiens d’arrêt, les petits chiens et les projets de route, car il vit qu’il lui était décemment impossible de se présenter à Woodbourne.

Il avait donc dépassé la route qui conduisait au château, ne pouvant voir que la fumée blanchâtre qui s’en élevait et se dessinait au loin dans les airs au milieu du pâle crépuscule d’une soirée d’hiver, quand il crut apercevoir Dominie prendre un sentier à travers le bois et se diriger de ce côté. Il l’appela, mais en vain ; car l’honnête garçon, ordinairement fort peu sensible aux impressions étrangères, venait de quitter Meg Merrilies, et était trop profondément enfoncé