Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/431

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un précipice effroyable, le même, assure-t-on, où Kennedy fut précipité.

On croit dans le Galloway que Meg Merrilies doit son existence aux traditions relatives à la célèbre Flora Marshal, l’une des royales parentes de Willie Marshal, plus communément appelé le Caird de Barullion, roi des Égyptiens des basses terres de l’Ouest. Ce roi mérite de fixer l’attention : voici sur son compte quelques particularités. Il naquit dans la paroisse de Kirk-Michael, vers l’an 1671, et mourut, dit-on, à Kirkcudbrisht en 1792, dans sa cent vingt-deuxième année. On ne peut pas dire que cette longue vie ait été bien régulière et remplie de respectables habitudes. Willie fut pressé on enrôlé six fois dans l’armée de terre, et déserta tout autant de fois ; sans compter qu’à trois reprises différentes il quitta le service naval. Il contracta seize mariages légitimes ; et malgré cette part suffisante des plaisirs matrimoniaux, il sévit, après sa centième année, père de quatre enfants naturels. Il subsistait, vers la fin de sa longue vie, d’une pension que lui faisait le grand-père du comte de Selkirk actuel. Willie Marshal est enterré dans l’église de Kirkcudbright. On y montre son tombeau, décoré d’un écusson dont les armes conviennent bien à la profession du défunt, deux cornes de bélier et deux cuillères.

Dans sa jeunesse il se promenait ordinairement le soir sur la grande route pour rendre service aux voyageurs en les débarrassant du poids de leur bourse. Une fois, le caird de Barullion dévalisa le laird de Bargally, entre Carsphairn et Dalmellington. Le laird, avant de se laisser voler, résista courageusement, et dans sa lutte, l’Égyptien perdit son bonnet, qu’obligé de fuir il abandonna sur la grande route. Un respectable fermier, venant à passer, aperçut le bonnet, mit pied à terre, le ramassa, et le mit imprudemment sur sa tête. En ce moment le laird survint avec quelques hommes de renfort ; il reconnut le bonnet, dénonça le fermier de Bantoberick comme son voleur et le fit arrêter. Comme celui-ci avait quelques traits de ressemblance avec Willie Marshall, le laird persista dans son accusation, et malgré sa probité reconnue ou attestée, le fermier fut mis en jugement. Le fatal bonnet était placé Sur le bureau de la cour : Bargally fit serment que c’était celui que portait l’homme qui l’avait volé ; les autres témoins déposèrent qu’ils avaient trouvé l’accusé à la place où le crime avait été commis, avec ce bonnet sur la tête. L’affaire se présentait d’une manière alarmante pour l’accusé, l’opinion des juges lui semblait