Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/87

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tion de Frank Kennedy, au service des douanes de Sa Majesté, il s’était mis à la recherche d’un lougre contrebandier, capitaine Dirk Hatteraick ; que Kennedy devait faire la garde sur le rivage dans le cas où Hatteraick, qui était connu pour un homme déterminé et déjà plusieurs fois mis hors la loi, tenterait de s’échouer sur la côte. Environ à neuf heures du matin, il découvrit une voile qui répondait à la description du lougre d’Hatteraick, lui donna la chasse, et après lui avoir fait plusieurs signaux pour qu’elle arborât pavillon ou qu’elle amenât, il fit tirer sur elle. Le lougre arbora alors les couleurs d’Hambourg et lui rendit sa bordée ; le combat s’engagea et dura trois heures ; enfin, comme le lougre allait doubler la pointe de Warroch, le commandant s’aperçut qu’il était désemparé, et que sa grande vergue avait perdu ses élingues. Son équipage ne put profiter de cet avantage, pour s’être trop approché de la côte en voulant doubler le cap. Après avoir viré deux fois de bord, ils y parvinrent, et virent alors le lougre en feu et probablement abandonné. La flamme ayant gagné quelques barils de spiritueux placés sur le pont avec d’autres combustibles sans doute disposés à dessein, l’incendie était devenu si violent qu’aucune barque n’osa approcher le lougre, d’autant plus que la chaleur faisait partir l’un après l’autre ses canons qui étaient encore chargés. Le capitaine ne doutait pas que l’équipage n’eût quitté le vaisseau et fui dans les embarcations. Après s’être tenu en vue jusqu’à son explosion, le sloop de Sa Majesté, le Shark, avait fait voile vis-à-vis de l’île de Man pour couper la retraite aux contrebandiers, qui, bien qu’ils pussent se cacher pendant un jour ou deux dans les bois, saisiraient probablement la première occasion pour gagner cette retraite. Du reste, il n’avait rien vu que ce qu’il racontait.

Tel fut le rapport de sir William Pritchar, maître et commandant du sloop royal de guerre le Shark ; il terminait en regrettant profondément de n’avoir pas eu le bonheur de joindre les coquins qui avaient eu l’insolence de tirer sur le pavillon de Sa Majesté, et il assurait que si jamais il rencontrait M. Hatteraick dans une de ses croisières, il ne manquerait pas de l’amener au port amariné à sa proue, pour qu’il eût à répondre à toutes les accusations qu’on pouvait porter contre lui.

Cependant, comme il était assez certain que les hommes composant l’équipage du lougre s’étaient sauvés, on mit facilement sur leur compte la mort de Kennedy, en supposant qu’ils l’avaient