Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/103

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craignaient tout en le haïssant, et il se mêlait à ces deux sentiments une curiosité insatiable qui était un des traits particuliers du caractère de Wildrake ; car, n’ayant eu depuis long-temps que peu d’affaires personnelles, et ne s’en inquiétant guère, il cédait aisément au désir qu’il éprouvait de voir tout ce qu’il y avait de curieux et d’intéressant autour de lui.

« Après tout, je voudrais voir le vieux coquin, se disait-il, ne fût-ce que pour dire que je l’ai vu. »

Il arriva à Windsor dans l’après-midi, et éprouva en y arrivant le grand désir de se loger dans quelques uns de ces repaires de gaîté qu’il fréquentait d’habitude quand il venait par hasard dans cette belle ville en des jours plus heureux ; mais se faisant violence, il descendit courageusement à l’auberge principale, dont l’ancienne enseigne, la Jarretière, avait depuis long-temps disparu. Le maître aussi, que Wildrake, très habile dans la connaissance des aubergistes et des hôtelleries, se rappelait comme un rival de Mon Hôte, de l’école de la reine Élisabeth, s’était alors résigné à l’esprit du temps ; quand il parlait du parlement, il remuait la tête, tournait sa broche avec toute la gravité d’un prêtre qui officie ; souhaitait à l’Angleterre une heureuse délivrance de toutes ses afflictions, et comblait d’éloges Son Excellence le lord général. Wildrake remarqua aussi que son vin était meilleur que de coutume, car les puritains avaient un tact excellent pour découvrir toute falsification, mais ses mesures étaient plus petites, et ses prix plus élevés ; circonstances qu’il dut d’autant mieux remarquer que Mon Hôte parla beaucoup de sa conscience.

Cet important personnage dit à Wildrake que le lord général recevait affectueusement tout le monde, et qu’il obtiendrait une audience le lendemain matin à huit heures, s’il voulait seulement se donner la peine de se présenter à la porte du château, et s’annoncer comme porteur de dépêches pour Son Excellence.

Le Cavalier déguisé se rendit donc au château à l’heure indiquée. Le soldat en habit rouge qui, le regard austère et le fusil sur l’épaule, montait la garde à la grille extérieure de ce noble édifice, le laissa librement passer. Wildrake traversa la première enceinte ou cour, jetant un coup d’œil en passant sur la magnifique chapelle qui venait de recevoir, pendant les ténèbres de la nuit, en silence et sans qu’on lui rendît les moindres honneurs, les restes du roi d’Angleterre assassiné. Vif comme il était, le souvenir de cet événement affecta si vivement Wildrake, qu’il fût presque retourné sur