Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/153

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s’écria Bletson avec colère ; « ne connaissez-vous pas mieux votre devoir ? — Nous demandons humblement pardon à Votre Honneur, répondit un des domestiques ; mais nous avons mis tous les chandeliers sur la table, et vraiment nous n’avons pas osé redescendre l’escalier sans lumière. — Sans lumière, infâmes poltrons ! dit le philosophe. Quoi ! est-ce pour voir lequel de vous pâlit davantage lorsqu’un rat vient à crier ? Mais prenez un chandelier et décampez au plus vite. Les diables dont vous êtes tant épouvantés n’ont besoin que d’être de chétives souris pour avoir affaire à des chauves-souris comme vous. »

Les domestiques, sans répliquer, ayant à leur tête Fidèle Tomkins, prirent un chandelier et se mirent en devoir de partir, lorsque tout-à-coup, au moment où ils arrivaient à la porte du salon restée entr’ouverte, elle s’ouvrit brusquement. Les trois domestiques reculèrent épouvantés, et vinrent tomber au milieu de l’appartement, comme si on eût déchargé une arme à feu sur eux, et tous ceux qui étaient attablés se levèrent précipitamment.

Le colonel Éverard, qui était incapable d’un mouvement de frayeur, resta immobile pour voir ce qu’allaient faire ses compagnons, et pénétrer, s’il le pouvait, la cause de leurs alarmes. Le philosophe semblait croire qu’il était intéressé plus que personne à montrer du courage en cette occasion.

Il s’élança donc vers la porte avec la vitesse d’un limaçon, en murmurant contre la lâcheté des domestiques, et il était facile de voir qu’il se fût vu avec grand plaisir désarmé par un de ceux que ses reproches venaient encourager. « Stupides poltrons ; » s’écria-t-il enfin, saisissant le bouton de la porte, mais sans le tourner de manière à ouvrir, « n’osez-vous plus ouvrir une porte ? » Puis tâchant encore de pousser le bouton : « N’osez-vous descendre un escalier à tâtons ? voyons, apportez-moi de la lumière, lâches vilains !… Par le ciel ! quelqu’un soupire en dehors ! »

À ces mots il quitta le loquet de la porte du salon, et recula de deux ou trois pas dans l’appartement, aussi pâle que la cravate blanche qu’il portait à son cou.

« Deus adjutor meus ! » dit le ministre presbytérien en se levant de son siège. « Faites place, monsieur, » s’adressant à Bletson : — il paraîtrait que je m’y connais mieux que vous, et j’en remercie le ciel : je suis armé pour le combat. »

Hardi comme un grenadier qui monte à la brèche, et non moins convaincu pourtant qu’il allait courir un grand danger, mais s’en