Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/183

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continuait de brandir comme s’il s’attendait à être attaqué en ce moment. Le général républicain se mit aussitôt sur ses gardes ; mais au moment où le fer se croisait, il s’écria : « Ha ! je te tiens maintenant, tu es venu en corps à la fin… sois le bienvenu ! le bienvenu ! le glaive du Seigneur et de Gédéon ! — Séparons-les ! séparons-les ! » s’écria Éverard, tandis que Tomkins et lui, étonnés d’abord d’un combat si promptement décidé, se hâtaient de les arrêter. Éverard, saisissant le Cavalier, le fit reculer de force, tandis que Tomkins s’efforçait à grand’peine et à ses risques d’empoigner l’épée d’Harrison, le général s’écriant toujours : « Ha ! deux contre un… deux contre un !… c’est ainsi que combattent les démons. » Wildrake, de son côté, proférait d’horribles jurements, et criait : « Markham, vous avez effacé de mon cœur toutes les obligations que je vous devais… elles sont toutes perdues… oubliées, diable m’emporte ! — Il est vrai, dit Éverard, que vous les avez bien rarement acquittées. Qui sait comment on expliquera cette affaire ? qui en rendra-t-on responsable ? — J’en répondrai avec ma vie, répliqua Wildrake. — Voyons, silence ! dit Tomkins, et laissez-moi faire. Je m’y prendrai de telle sorte que le digne général ne se doutera jamais qu’il a combattu contre un mortel ; tâchez seulement que le Moabite remette sa lame dans le fourreau et reste tranquille. — Wildrake, de grâce, rengaine, dit Éverard, ou sinon, sur ma vie, il faut que tu tournes ton épée contre moi. — Non, par saint George, je ne suis pas encore si fou ; mais je le retrouverai un autre jour. — Toi, un autre jour ! » s’écria Harrison dont les yeux étaient encore fixés sur la place où il avait rencontré une résistance si opiniâtre. « Oui, je te connais bien ; chaque jour chaque semaine, tu m’adresses un aussi lâche défi, car tu sais que mon cœur frissonne à ta voix… Mais ma main ne tremble pas quand elle rencontre la tienne… l’esprit est fort au combat, si la chair y est faible quand elle lutte contre ce qui n’est pas chair. — Allons, paix ! pour l’amour du ciel, que ce soit fini ! » dit l’écuyer Tomkins ; puis il ajouta, en s’adressant à son maître : « Il n’y a personne ici, avec la permission de Votre Excellence, que Tomkins et le digne colonel Éverard. »

Le général Harrison, comme il arrive souvent dans les cas de folie momentanée, en supposant qu’il ne fût égaré que par une illusion mentale, quoique fermement et solidement convaincu de la réalité de ses visions, n’était pourtant pas trop disposé à en causer avec des gens qui, il le savait, devaient les regarder comme ima-