Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tait certainement à croire qu’il y avait, dans quelque coin de cette immense maison, une bande de Cavaliers logés de manière à sortir la nuit de leur cachette pour épouvanter les sentinelles, et exécuter sur elles, mais en particulier sur Harrison, l’un des juges régicides, cette vengeance dont la soif dévore si ardemment les partisans fidèles d’un monarque assassiné.

Il tâcha de dissiper ses craintes, en réfléchissant au nombre des gardes et à leur position. Il se repentit encore de n’avoir pas pris de plus sévères précautions, et d’être obligé de garder la promesse de silence qu’on avait exigée de lui, et qui pouvait exposer tant des siens au péril d’un assassinat. Ces pensées, jointes à ses devoirs militaires, éveillèrent en lui une autre suite de réflexions. Il pensa que tout ce qu’il pouvait alors faire était de visiter les sentinelles, de s’assurer qu’elles étaient éveillées, actives, aux aguets, et placées de façon à se pouvoir, en cas de besoin, secourir l’une l’autre… « Voilà qui me convient mieux, pensa-t-il, que de rester ici comme un enfant, à frissonner de la légende d’une vieille femme dont j’ai ri dans mon enfance. Si Victor Lee s’est montré sacrilége, comme on le dit communément ; s’il a brassé de la bière dans des fonts baptismaux par lui enlevés dans l’antique palais d’Holy-Rood, pendant que l’église et l’édifice étaient la proie des flammes ; si son fils aîné est mort en tombant dans le même vase, qui était rempli d’eau bouillante ; en bien, quoi ? combien d’églises ont été démolies depuis son temps ! Combien de fonts baptismaux profanés ! Tel est le nombre de ces crimes que, si la vengeance du ciel voulait punir de tels attentats d’une manière surnaturelle, il n’y aurait pas un coin en Angleterre, pas même la plus petite paroisse, qui n’eût son apparition… Bah ! ce sont des jeux d’imagination ridicules, indignes surtout d’être admis par les gens élevés à croire que la sainteté consiste dans l’intention et dans l’œuvre, non dans les édifices ou dans les vases sacrés, ni dans la forme du culte. »

Au moment où il concluait ainsi en faveur des articles de sa foi calviniste, le marteau de la grande horloge (les horloges sont rarement silencieuses dans de tels récits) sonna trois heures, et alors on entendit retentir immédiatement les cris rauques des sentinelles à travers les voûtes et les galeries au rez-de-chaussée et aux étages supérieurs, s’appelant et se répondant les unes aux autres par le mot de veille ordinaire, tout va bien ; leurs voix se mêlèrent au bourdonnement sourd de l’horloge, mais cessèrent avant qu’elle redevînt muette. Les échos produits par l’airain, et qui semblaient