Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/223

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et comme si elle eût glissé sur le parquet. Elle se retourna de nouveau, et, avant de disparaître, me montra une fois encore ses traits pâles et sombres. Mais comment elle sortit de la chambre, fut-ce par la porte ou autrement, c’est ce que je ne pus bien remarquer dans mon trouble extrême, et malgré tous les efforts de ma mémoire, je n’ai pu me retracer aucun souvenir distinct à ce sujet. — C’est une vision étrange, dit Éverard ; et attestée par vous, il est impossible de la révoquer en doute. Cependant, maître Holdenough, si un habitant de l’autre monde s’est, comme vous le dites, présenté à vous, ce dont je ne veux point contester la possibilité, croyez, d’un autre côté, que des personnes malintentionnées prennent part à ces intrigues. J’ai moi-même eu quelques rencontres avec des fantômes qui étaient doués d’une force corporelle, et qui portaient, j’en suis sûr, des armes comme les miennes. — Oh ! sans aucun doute ; Belzébut aime à charger avec sa cavalerie mêlée à son infanterie, comme c’était la mode du vieux général écossais David Leslie ; il y a des diables incarnés comme des diables sans corps ; il se sert des uns pour soutenir les autres, et former un corps de réserve. — Vous pouvez avoir raison, révérend docteur, mais, à votre avis, que faut-il faire en pareille circonstance ? — Je dois me consulter à ce sujet avec mes frères, et pourvu qu’il reste seulement dans nos environs cinq ministres de la véritable Église, nous chargerons Satan tous ensemble, et vous verrez si nous n’avons pas le pouvoir de lui tenir tête jusqu’à ce qu’il prenne la fuite. Mais à défaut de cette sainte guerre contre ces ennemis étranges, et qui ne sont pas de ce monde, en vérité j’opinerais pour que cette maison de sorcellerie et d’abomination, ce repaire souillé par l’ancienne tyrannie et la prostitution, fût consumé entièrement par les flammes, de peur que Satan, établissant son quartier-général en un lieu si fort à son gré, n’en fasse une citadelle et une place d’armes, de laquelle il tentera des incursions sur tout le voisinage. Ce qu’il y a de sûr, c’est que je ne recommanderai à aucun chrétien de l’habiter. Si au contraire on l’abandonnait, elle deviendrait un rendez-vous où s’assembleraient les sorciers pour préparer leurs maléfices, où les sorcières feraient leur sabbat, et où viendraient aussi ceux qui, comme Démas, courent après les richesses de ce monde, cherchant l’or et l’argent, en pratiquant des talismans et des charmes au détriment des âmes cupides. Croyez-moi donc : le mieux serait que ce château fût dévasté et détruit de fond en comble, et qu’on n’y laissât pas pierre sur pierre. — À cela,