Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/227

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je vous prie, paix ! Je dis que l’allusion sous laquelle vous m’avez très justement fait un reproche, quoiqu’elle ait soulevé en moi le levain du vieil homme, le tentateur interne qui se tient toujours aux aguets pour nous attirer dans son piège, devait, au lieu d’exciter mon ressentiment, être reconnue par moi comme une faveur ; car on doit considérer comme faveurs les blessures d’un ami qu’on peut appeler fidèle ; et sûrement moi, qui ai, par une malheureuse exhortation au combat ou au carnage, envoyé les vivants parmi les morts, et, j’en ai peur, ramené même les morts parmi les vivants, je dois maintenant travailler à la paix, à l’union, à la réconciliation des ennemis, laissant le soin de punir au grand Être dont les lois sont violées, et la vengeance à celui qui a dit : « Je l’exercerai. »

Les traits mortifiés du vieillard étaient en ce moment empreints d’une humble confiance, car il reconnaissait son tort, et le colonel Éverard, qui connaissait ses faiblesses naturelles, ses vieux préjugés sur l’importance de son état, et ses exclusives opinions de parti qu’il avait dû combattre avant de prendre ce ton de candeur, se hâta de lui témoigner toute son admiration pour sa charité chrétienne, tout en se reprochant à soi-même d’avoir si cruellement blessé ses sentiments.

« N’y pensez plus, je vous en prie, n’y pensez plus, excellent jeune homme ; nous avons tous deux erré… moi, en laissant mon zèle l’emporter sur ma charité, et vous, en pressant peut-être un peu trop vivement un homme vieux, mais brusque, qui venait de déposer ses souffrances dans le sein d’un ami. Que tout soit oublié ! Que vos amis, s’ils ne sont pas effrayés de tout ce qui est arrivé dans le manoir de Woodstock, reviennent l’habiter aussitôt qu’ils voudront. S’ils peuvent se défendre eux-mêmes contre les puissances de l’air, croyez que je suis disposé à faire tout mon possible pour qu’ils ne soient pas inquiétés par leurs voisins terrestres ; et veuillez vous persuader, mon cher monsieur, que ma voix a encore quelque crédit sur le digne maire, sur les bons aldermen, et les personnages les plus importants de notre ville, quoique les basses classes soient entraînées par l’impulsion de chaque nouvelle doctrine. Et soyez encore mieux persuadé, colonel, que si le frère de votre mère, ou quelqu’un de sa famille, s’apercevait qu’il a conclu un mauvais marché en revenant dans cette malheureuse demeure tant décriée, ou qu’il sentît au fond de son cœur et de sa conscience un mal qui exigeât de saintes consolations, Néhémiah Holdenough sera aussi bien à ses ordres, nuit et jour, que s’il avait été élevé dans le