Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous pas moyen de mieux employer vos tranches de bœuf séquestrées que de les laisser derrière vous quand vous changez de quartiers ? — Il se peut que Votre Honneur, dit Tomkins, ne désire pas la chair des bœufs, des béliers et des chèvres ; pourtant lorsque vous saurez que ces provisions sont achetées et payées sur vos rentes et revenus de Ditchley, séquestrés au profit de l’État il y a plus d’un an, peut-être aurez-vous moins de scrupule d’en user à votre convenance. — Soyez bien convaincu que j’en userai, dit sir Henri ; et je vois avec satisfaction que vous partagez du moins avec moi ce qui m’appartient. Certainement il fallait que je fusse bien fou pour croire que vos maîtres pourraient subsister autrement qu’aux dépens des honnêtes gens. — Et quant aux croupions de bœuf, » continua Tomkins avec la même gravité, « il y en a un à Westminster qu’il nous faudra, à nous autres militaires, bien retailler et recouper encore, avant qu’il soit arrangé à notre goût. »

Sir Henri resta silencieux, comme cherchant à comprendre le sens de cette métaphore ; car il n’avait pas un esprit fort subtil. Mais croyant en avoir saisi le sens, il partit d’un long éclat de rire et se livra à une gaîté que Jocelin ne lui connaissait plus depuis long-temps.

« C’est bien, drôle, dit-il, je goûte ta plaisanterie ; c’est la morale de la pièce des marionnettes. Faustus a conjuré le diable, le parlement a conjuré l’armée… Et puis, comme le diable emporte Faustus, de même l’armée emporte le parlement… ou le croupion, comme tu l’appelles, ou la partie siégeante du parlement ainsi nommé… Et puis, voyez-vous, l’ami, le vrai diable en chef a mon plein consentement pour emporter l’aimée à son tour, depuis le plus haut général jusqu’au plus bas tambour. Allons, ne vous fâchez pas pour cela ; songez qu’il fait assez clair encore pour un assaut à fleurets déboutonnés. »

Fidèle Tomkins parut croire qu’il valait mieux ne pas se fâcher ; et remarquant que les chariots qui transportaient les effets des commissaires à la ville étaient prêts à partir, il prit gravement congé de sir Henri Lee.

Cependant le vieillard continua à se promener dans son vestibule qu’on lui rendait, se frottant les mains, et témoignant plus de joie qu’il n’en avait montré depuis le jour fatal du 30 janvier.

« Nous voilà donc rentrés dans notre vieux trou, et bien approvisionnés encore !… Comme le drôle a su lever mon doute de con-