Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/290

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d’échapper aux reproches que fait la conscience. « Tout Cavalier, dit-il, devrait fléchir le genou devant mistress Alice Lee, pour avoir fait un portrait si flatteur du roi notre maître, en mettant à contribution à son profit toutes les vertus de ses ancêtres ; seulement il est un point qu’il ne s’attendait pas qu’une femme aurait passé sous silence. Après avoir fait de lui, du chef de son grand’père et de son père, un modèle de toutes les vertus royales et privées, pourquoi ne pas l’avoir aussi gratifié des grâces personnelles qui distinguaient sa mère ?… Comment le fils d’Henriette-Marie, la plus belle femme de son temps, ne joindrait-il pas à toutes les autres qualités la recommandation d’un beau visage et d’une tournure élégante ?… Il a le même droit héréditaire à la beauté du corps qu’aux qualités de l’esprit, et le portrait avec cette addition serait parfait dans son genre… Dieu fasse qu’il soit ressemblant ! — Je vous entends, maître Kerneguy, dit Alice ; mais je ne suis point une fée, et ne puis accorder, comme les fées dans les contes de nos nourrices, les dons que la Providence a refusés. Je suis assez femme pour avoir pris des informations à ce sujet, et je tiens de source certaine que le roi, qui a reçu le jour de parents d’une beauté si extraordinaire, est d’une laideur peu commune. — Bon Dieu, ma sœur ! » dit Albert se levant dans un mouvement d’impatience.

« Comment ! c’est vous-même qui me l’avez dit, » répliqua Alice surprise de l’émotion qu’il montrait ; « et vous avez ajouté même… — C’est intolérable, murmura Albert ; il faut que je sorte pour parler à Jocelin sur-le-champ. Louis, » continua-t-il en jetant un regard suppliant sur Kerneguy, vous viendrez sûrement avec moi ? — Ce serait bien volontiers, » répliqua ce dernier en souriant malicieusement ; « mais vous voyez combien je souffre encore de la blessure qui me fait boiter… Non, non, Albert, » lui dit-il tout bas en résistant aux efforts que faisait le jeune Lee pour l’engager à sortir ; « pouvez-vous supposer que je sois assez fou pour me fâcher de cela ?… au contraire, j’ai le désir d’en profiter. — Dieu le veuille ! » se dit en lui-même le jeune homme en quittant la chambre ; « ce sera la première leçon dont vous ayez jamais profité ; et que le diable confonde les intrigues et les intrigants qui m’ont décidé à vous amener dans cette maison ! » Et il alla dissiper sa mauvaise humeur dans le parc.