Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/296

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exemples ; et ils tournaient sans pitié en ridicule tous les nobles sentimens qui empêchent les hommes de satisfaire leurs passions désordonnées.

Les événements de la vie du roi l’avaient disposé à admettre cette doctrine épicurienne ; malgré tous ses droits à la compassion et à l’assistance, il s’était vu accueilli froidement par les Cours qu’il avait visitées ; il en avait été traité plutôt comme un suppliant qu’on n’ose repousser, que comme un monarque exilé. Il avait vu ses droits mêmes et ses prétentions n’exciter que le mépris et l’indifférence, et dans la même proportion, il s’était laissé aller à la dureté de cœur, à l’égoïsme et aux plaisirs qui lui assuraient des dédommagements immédiats. S’il se les procurait aux dépens du bonheur des autres, devait-il, à cet égard, être bien scrupuleux, quand il n’agissait que par imitation.

Mais quoique les bases de ce malheureux système fussent déjà consolidées chez lui, cependant le prince encore jeune n’était pas aussi complètement livré à ces principes pervers qu’il le fut plus tard, quand une porte s’ouvrit inopinément pour sa restauration. Au contraire, quoique les raisonnements d’un débauché que nous avons rapportés plus haut, comme s’il les avait exprimés lui-même, se présentassent sans aucun doute à son esprit comme ceux qui lui auraient été suggérés en pareille occasion par ses conseillers ordinaires, cependant il fit réflexion que ce qui aurait passé pour une peccadille en France et dans les Pays-Bas, ou qui aurait été le sujet d’un conte amusant ou d’une pasquinade pour les beaux esprits de sa cour errante, serait probablement regardé comme une horrible ingratitude et une trahison infâme par la noblesse anglaise, et porterait un coup funeste et peut-être irrémédiable à ses intérêts, parmi les plus vieux et les plus respectables gentilshommes qui lui étaient attachés. Il lui vint aussi à la pensée… car son intérêt personnel ne lui échappait pas même dans cette manière d’envisager la question… qu’il était au pouvoir des Lee, père et fils, qui avaient toujours passé au moins pour suffisamment scrupuleux sur le point d’honneur ; et s’ils soupçonnaient seulement un affront semblable à celui dont il avait conçu la pensée, ils ne seraient pas en peine de trouver les moyens d’en tirer une vengeance éclatante, soit par leurs propres mains, soit par celles de la faction dominante.

« Le danger de faire rouvrir la fatale fenêtre à Whitehall, et de renouveler la tragédie de l’homme masqué[1], serait une pénitence

  1. Charles Ier fut décapité par un homme masqué, devant son palais de Whitehall, dans la cité de Londres. a. m.