Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/302

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elle riait à cause de sa bonne humeur et dont elle se moquait à cause de ses bizarreries, pût être pour elle un être dangereux et dont elle dût se méfier ; c’est ce que son imagination n’avait jamais conçu. L’espèce d’intimité qui existait entre eux ressemblait à celle qu’elle aurait accordée à une compagne de son sexe dont elle n’aurait pas toujours les manières, mais dont la société lui aurait semblé amusante. Il était naturel que la liberté de la conduite d’Alice, qui était le résultat de l’indifférence la plus complète, parût à son royal amant une sorte d’encouragement, et que la résolution qu’il avait prise de ne point céder à la tentation de violer l’hospitalité de Woodstock, commençât à chanceler à mesure que les occasions favorables devenaient plus fréquentes.

Ces occasions se multiplièrent, Albert étant parti de Woodstock le lendemain de son arrivée. Il avait été convenu en grand conseil entre Charles et Rochecliffe qu’Albert irait rendre visite à son oncle Éverard dans le comté de Kent, afin qu’en se montrant dans ce pays, il prévînt les soupçons qu’aurait fait naître sa résidence à Woodstock, et ne laissât aucun prétexte pour troubler la famille de son père, comme ayant donné asile à un officier qui avait si récemment pris les armes contre le roi. Il avait aussi entrepris, malgré tous les risques qu’il pouvait courir, de visiter différents points de la côte, et de reconnaître ceux qui offraient le plus de sécurité, et où le roi pourrait s’embarquer pour quitter l’Angleterre.

Ces mesures étaient prises pour le salut du roi et faciliter sa fuite ; mais Alice se trouvait ainsi privée de la présence de son frère, qui aurait été son plus vigilant gardien. À la vérité il avait attribué les propos légers du roi, dans une occasion récente, à la gaîté de son caractère, et il aurait cru faire grand tort à son souverain s’il l’avait soupçonné de violer indignement les lois de l’hospitalité en formant sur Alice des projets déshonorants.

Cependant, parmi les habitants de Woodstock, il en était deux qui voyaient toujours d’un mauvais œil et Charles et ses projets. Le premier était Bévis qui, depuis leur première rencontre peu amicale, semblait avoir conservé contre le nouvel hôte une aversion que toutes les avances de Charles ne pouvaient vaincre. Si par hasard le page se trouvait seul avec sa jeune maîtresse, il trouvait toujours moyen d’y être en tiers. Il s’approchait de la chaise d’Alice, et grondait quand le galant s’approchait d’elle. « C’est une pitié, dit le prince déguisé, que votre Bévis ne soit pas un boule-dogue ; car nous pourrions une fois le traiter comme une Tête-ronde. Il