Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/318

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Il caracola, fit merveille,
Avant de l’avoir pu dompter.

Il s’arrêta, tourna par devant, par derrière,

De bondir se faisant un jeu ;
À peine il effleurait la terre.
Tant la monture était en feu !

— Mon vieil ami Pixie ! » dit Éverard en caressant le cou du petit cheval, « je suis charmé qu’il ait survécu à ces malheureux temps. Il doit avoir plus de vingt ans, sir Henri ? — Plus de vingt ans ? assurément. Oui, mon neveu, la guerre est comme un ouragan qui ravage une plantation, elle n’épargne que ce qui le mérite le moins. Le vieux Pixie et son vieux maître ont survécu à de bien grands personnages, à bien de nobles coursiers. Il ne sont plus bons à grand’chose maintenant ni l’un ni l’autre ; cependant, comme dit Will, un vieillard peut encore être utile quelquefois… Ainsi Pixie et moi, nous voilà encore vivants. » Il força Pixie à montrer qu’il conservait encore quelque reste d’activité.

« Nous vivons encore ! » dit le jeune Écossais achevant la phrase que le bon chevalier n’avait point finie « Oui, nous vivons encore…

Peur étonner le monde en chevalier parfait. »

Éverard rougit, car il sentit toute l’ironie de cette plaisanterie ; il n’en fut pas ainsi de son oncle, dont la vanité naïve ne doutait jamais de la sincérité d’un compliment.

« Êtes-vous bien de cet avis-là ? dit sir Henri. Du temps du roi Jacques, il est vrai, j’ai paru dans les tournois, et là, vous eussiez dit :

Le jeune et beau Henri, la visière levée.

Quant au vieux Harry[1], ma foi… » ici le cavalier s’arrêta et prit l’attitude d’un homme qui cherche à faire un calembourg… « Quant au vieux Harry… ma foi, autant voir le diable. Vous comprenez, maître Kerneguy… Le diable, vous savez, est mon homonyme… ha !… ha !… ha !… J’espère, Éverard, que votre rigorisme n’est pas choqué d’une plaisanterie aussi innocente. »

Il fut si content de l’approbation de ses compagnons, qu’il récita en entier le fameux passage d’où il avait emprunté sa citation, et termina par défier son siècle, en entassant les noms de tous les beaux

  1. Harry, équivalent populaire et familier de Henri, lequel veut, comme nick’ dire aussi le diable. a. m.