Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souhaiterais, miss Alice, que vous me fissiez connaître votre moindre désir, et vous verriez avec quel empressement je l’accomplirais. — Vous ne m’êtes pourtant pas revenu dire quelle heure il était ce matin, répliqua la jeune miss, et je suis restée ici à me demander si le temps avait des ailes, lorsque j’aurais dû penser que la galanterie des jeunes gens peut être tout aussi fugitive que le temps lui-même. Savez-vous ce que votre désobéissance pourra m’en coûter à moi et à d’autres encore ? le pudding et le dumpling peuvent être réduits en charbon, car, monsieur, je m’acquitte encore du vieux devoir domestique de visiter la cuisine ; je pouvais manquer l’heure de mes prières ou être allée trop tard à un rendez-vous, et tout cela à cause de la négligence de maître Louis Kerneguy, qui a oublié de me faire savoir l’heure. — Oh ! répondit Kerneguy, je suis de ces amants qui ne peuvent supporter l’absence ; il faut que je sois éternellement aux pieds de ma belle ennemie : tel est, je pense, le nom que les romans nous apprennent à donner aux belles et cruelles à qui nous dévouons nos cœurs et nos vies… Parle pour moi, bon luth, » ajouta-t-il en prenant l’instrument, « et montre si je ne connais pas mon devoir. »

Il chanta, mais avec plus de goût que d’exécution, l’air d’un petit rondeau français, auquel quelqu’un des beaux esprits ou des faiseurs de sonnets avait adapté une romance anglaise, tant la musique en était gaie et sentimentale.


UNE HEURE AUPRÈS DE TOI.


Une heure auprès de toi !… Quand le matin riant
Orne d’un voile d’or les plaines d’Orient,
Quel charme peut alors accoutumer mon âme
À supporter la peine et la honte et le blâme
Et les soins que chaque heure amasse devant moi.
Et d’un triste passé le souvenir de flamme ?
Une heure auprès de toi.

Une heure auprès de toi !… Lorsque juillet balance
Son brûlant étendard à l’heure de midi,
Quel espoir détermine un amant plus hardi
À traîner ses tourments sur la plaine en silence ;
Et qui, mieux qu’une grotte ou qu’un ombrage coi,
Rafraîchit de mon sang l’ardente pétulance ?
Une heure auprès de toi.

Une heure auprès de toi !… Quand le soleil s’efface ;
Oh ! qui peut m’enseigner l’oubli d’une disgrâce,
Les travaux méconnus du jour qui va finir,